Le professeur Amath Ndiaye, économiste à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), a publié une analyse importante intitulée « Sénégal : Emprunter oui, mais dans la clarté ». Il y appelle à une gestion transparente des ressources financières mobilisées par l’État sénégalais, en particulier dans le contexte de la dette publique.
Selon la Loi de Finances 2025, le Sénégal est autorisé à emprunter jusqu’à 4 573,88 milliards FCFA, destinés à couvrir l’amortissement de la dette (2 923,44 milliards) et le déficit budgétaire (1 650,44 milliards). À la mi-mai 2025, l’État a levé 1 106,5 milliards FCFA, dont 653 milliards via UMOA-Titres (285,85 milliards en Bons du Trésor et 367,24 milliards en Obligations) et 453,5 milliards via des Eurobonds en juin 2024. Toutefois, le Pr Ndiaye souligne que « les citoyens et les parlementaires ont le droit légitime d’être éclairés sur l’utilisation effective de ces ressources ». Il déplore en particulier l’absence des rapports d’exécution budgétaire des derniers trimestres, indispensables pour une meilleure visibilité sur la gestion des fonds publics.
L’économiste attire aussi l’attention sur la dégradation récente des euro-obligations sénégalaises. Moody’s a abaissé la note souveraine de B1 à B3 avec une perspective négative, en février 2025, en raison notamment d’un manque de transparence budgétaire. Par ailleurs, les Eurobonds 2048 ont vu leur valeur chuter à 66,55 cents sur le dollar, avec des taux d’intérêt qui ont grimpé à 12 % sur les marchés européens. Face à ces tensions, le soutien du Fonds Monétaire International (FMI) apparaît crucial pour stabiliser la situation. L’appui financier à taux réduit (1 à 2 %) qu’offre le FMI renforce les réserves en devises et attire d’autres bailleurs tels que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement (BAD), agissant comme une garantie de rigueur et de stabilité financière.
Pour le Pr Amath Ndiaye, un retour rapide à un accord formel avec le FMI est vital, surtout si le pays envisage de recourir à nouveau aux Eurobonds pour financer des projets d’envergure ou refinancer la dette existante. « Un tel accord dépasse le simple appui budgétaire ; il offre une crédibilité qui peut réduire les coûts d’emprunt sur les marchés financiers », explique-t-il. L’économiste préconise une stratégie prudente, fondée sur un meilleur suivi de l’utilisation des fonds, un objectif de déficit budgétaire proche de 3 % du PIB, en accord avec les critères de l’UEMOA, et une gestion rigoureuse de l’endettement. « Emprunter est un droit, mais en démocratie, cela implique un devoir de transparence et de responsabilité », rappelle-t-il. Cette démarche est selon lui indispensable pour préserver la confiance des partenaires et assurer la soutenabilité de la dette sénégalaise.