L’année 2022 a été l’année des premières au Sénégal. Si au plan sportif, l’équipe nationale a remporté son tout premier trophée majeur, dans le champ politique, on a pu assister au courant de cette année à un fait inédit. En effet, pour la première fois de l’histoire au Sénégal, le régime en place a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale après des élections législatives.
Un signal fort lancé au Président Macky Sall par le peuple ? La soirée du 31 juillet 2022 a été sans doute la soirée électorale la plus cauchemardesque de Macky Sall, depuis son arrivée au pouvoir. La capitale Dakar qui concentre le plus grand nombre d’électeurs parmi les 14 régions tombent totalement entre les mains l’inter-coalition de l’opposition Yewwi-Wallu avec des scores fleuve. Les deux coalitions réunies obtiennent 421 921 voix contre 208 710 pour la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY). Sur les 5 (cinq) départements que compte Dakar, les quatre (Dakar, Guédiawaye, Rufisque, Keur Massar) sont remportés par la coalition Yewwi Askan Wi et un (Pikine) remporté par Wallu Sénégal.
L’opposition remporte d’autres grandes villes comme Saint-Louis, Thiès, Bambey, Mbacké Tivaouane, Ziguinchor, Sédhiou, Bignona etc. Au total, ce sont 24 départements remportés par l’inter-coalition Yewwi-Wallu pour un total de 80 sièges à l’Assemblée nationale. La coalition au pouvoir se contente des départements moins représentatifs en termes d’électorat dans le Sénégal des profondeurs. Sur les 29 départements remportés Benno Bokk Yakaar, il n’y a que Mbour qui a une représentativité de plus de 2 députés. Dans la diaspora, l’inter-coalition remporte 6 des 8 « départements ».
L’opposition réunie obtient plus de voix que la coalition au pouvoir
Sur un fichier électoral de 7 036 466 électeurs inscrits, 3 281 583 Sénégalais sont allés voter le dimanche 31 juillet 2022. Il y a eu 3 260 886 suffrages valablement exprimés, selon les résultats officiels proclamés par la Commission nationale de recensement des votes, le jeudi 04 août 2022.
Benno Bokk Yakaar (coalition au pouvoir) a obtenu 1 518 137 voix (soit 82 sièges); Yewwi Askan Wi, portée par Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Déthié Fall obtient 1 071 139 voix (soit 56 députés); Wallu Sénégal, portée par le Parti démocratique sénégalais (PDS) obtient 471 517 voix (soit 24 députés); Bokk Guis Guis obtient 44 862 voix, AAR Sénégal obtient 52 173 voix; Les Serviteurs/MPR portés par le journaliste Pape Djibril Fall obtiennent 56 303 voix et prennent la 4e place de ces élections Législatives devant AAR Sénégal de Thierno Alassane Sall et Dr Abdourahmane Diouf.
En somme, les partis et coalitions de l’opposition obtiennent 1 695 994 voix contre 1 071 139 voix. La configuration de l’Assemblée nationale bascule et balance entre une majorité relative et une majorité d’idées. Aucune coalition ne se retrouve avec les 83 sièges requis pour la Majorité absolue. BBY se retrouve avec 82 députés, Wallu obtient 24 sièges et Yewwi arrache 56 sièges. Les 3 autres sièges sont revenus aux autres candidats non-inscrits.
Le clash Mimi-Macky
Quelques jours avant l’installation de la 14e Législature, le régime en place fait des pieds et des mains pour obtenir au moins un siège de plus qui lui donnerait la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le leader de Bokk Guis-Guis, Pape Diop finit par céder à la volonté de Macky Sall. Il convoque une conférence de presse le 11 août 2022 pour annoncer qu’il va rejoindre le groupe parlementaire de Benno Bokk Yakaar. « La lecture qu’il faut faire des résultats de ces élections législatives est qu’aucune majorité claire ne se dégage. Il s’agit là d’une situation inédite, qui appelle de la part des acteurs politiques, une attitude responsable. Vu la nature présidentielle de notre système politique, une Assemblée nationale placée sous le contrôle de l’opposition, débouchera forcément sur une crise institutionnelle », dit-il pour expliquer sa décision.
Cependant, cette Majorité absolue, obtenue par la coalition au pouvoir au prix d’une concession dont on ignore encore le prix, ne va durer que le temps d’une rose. Le 12 septembre, lors de l’installation de la 14e Législature, la tête de liste de la coalition BBY apprend au sein de l’hémicycle qu’elle n’a pas été retenue comme promise par le Président Macky Sall, pour être candidate au perchoir. Elle décide de quitter la séance. Le lendemain, elle dit sur son compte Twitter qu’elle ne vote pas pour BBY.
« Comme je l’ai dit hier 12 septembre 2022, je le réaffirme ce 13 septembre 2022, je n’ai pas donné procuration au député Farba Ngom pour voter en mon nom. J’en ai informé hier le député Elhadji Oumar Youm le pdt du Groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar. Je rappelle la raison: je ne suis pas d’accord avec prédominance de l’appartenance familiale au détriment du mérite militant. L’injustice est à combattre d’où qu’elle vienne », a-t-elle publié sur le réseau social.
L’ancien Premier ministre, Aminata Touré ne s’arrête pas là. Elle organise une conférence de presse le 25 septembre 2022 et révèle le point de désaccord qui selon elle aurait conduit Macky à ne pas lui donner le fauteuil du Perchoir. « Je n’ai qu’un seul problème avec le chef de l’Etat Macky Sall et c’est sur le 3e mandat. Je lui ai clairement fait savoir que je suis contre », dit-elle.
Au cours de la même rencontre avec les journalistes, Mimi Touré annonce qu’elle va déposer une lettre sur la table du président de l’Assemblée nationale pour lui faire part de sa volonté de devenir une élue non-inscrite. « Je vais dès demain écrire au président de l’Assemblée nationale pour lui annoncer que je me libère du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar pour devenir un député non-inscrit. Je sais que le Comité Mimi Hors de l’Assemblée va se déchaîner. Mais qu’ils gardent leur calme. Il n’y a rien qui peut me sortir de l’Assemblée nationale. Aucun argument juridique ne peut me sortir de l’Assemblée », affirme-t-elle.
Le 27 septembre, Aminata Touré passe à l’acte et dépose une lettre sur la table du président de l’Assemblée nationale. La subtilité du juriste professionnel est de mise. À aucun moment, dans sa lettre, le terme démission est évoqué.
Le Groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar se retrouve ainsi avec 82 députés et perd à nouveau la majorité absolue.
Le nouveau président de l’Assemblée nationale installée par la Gendarmerie
L’autre épisode à ne pas oublier cette année, c’est l’installation par la force du président de la l’Assemblée nationale. Dans une ambiance chaotique où l’opposition accusait les députés du régime en place de falsifier les bulletins de vote pour l’élection du président, la gendarmerie est dépêchée au sein de l’Hémicycle. Les images font le tour du monde.
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