Va-t-il violer la Constitution et se représenter une troisième fois en 2024 ? Va-t-il forcer un successeur aux Sénégalais en barrant le chemin à la force montante Ousmane Sonko ? Les codes lancés, les mesures annoncées et les directives données aux ministres, mercredi lors du premier Conseil des ministres du Gouvernement Amadou Ba, laissent à penser que Macky Sall est à cheval sur ces deux options.
Ces actes posés depuis sa réélection en 2019 qui jettent le doute sur sa volonté
Le président de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY) a posé, depuis sa réélection en 2019, plusieurs actes qui montrent clairement qu’il n’écarte pas de présenter sa candidature pour un 3e mandat en 2024. Le 31 décembre 2021, dans un débat télévisé avec la presse nationale, il est interpellé sur la question du 3e mandat. Sa réponse varie de manière assez claire par rapport à ses dernières sorties sur le sujet avant la Présidentielle de 2019: « Je ne répondrai pas par oui et je ne répondrai pas non plus par non. Si je dis oui, je vais plonger le pays dans un instabilité. Les gens vont se soulever pour ouvrir des fronts. Si je dis non, aucun ministre de mon gouvernement ne va plus travailler parce que la bataille pour la succession sera ouverte ».
Macky Sall ne s’arrête pas là. Il avait réuni tous les responsables de la coalition Benno Bokk Yakaar pour leur intimer l’ordre de ne pas évoquer la question du 3e mandat dans les médias ou en public. Sory Kaba, alors Directeur des Sénégalais de l’Extérieur et Moussa Diop, Directeur de la société Dakar Dem Dikk sont limogés par décret après avoir soutenu sans ambiguïté, à travers des sorties dans la presse, que l’actuel chef de l’Etat n’a pas le droit de se représenter en 2024. Pourtant, sur le même sujet, d’autres responsables de l’APR et de BBY comme Aymerou Gningue, Thérèse Faye Diouf, Mansour Faye, Abdou Ndéné Sall, Diop Sy n’ont de cesse de crier sur tous les toits que Macky Sall peut bel et bien se présenter en 2024 parce que ce serait son deuxième mandat de 5 ans. Jusqu’ici, aucune sanction n’a été prononcée contre ces Pro-Troisième mandat.
Ce n’est pas tout. Le 9 décembre 2021, dans un entretien exclusif avec France24, Macky Sall est encore interpellé par le journaliste Marc Perelman sur sa volonté ou non de se représenter en 2024. Là aussi, il sert une réponse qui laisse croire que c’est à lui d’en décider. « Ce débat, je le traiterai à temps voulu et les Sénégalais seront édifiés. Ce qui est clair, c’est que je ne poserai jamais un acte qui soit antidémocratique ou anticonstitutionnel. Parce que je suis profondément démocrate. Maintenant, je décide de parler quand le moment sera venu. Pas maintenant », a-t-il affirmé.
Toutes choses qui démontrent à suffisance que le Président Macky Sall n’écarte pas l’idée de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Reste à savoir comment il va convaincre l’opinion et le Conseil constitutionnel des soubassements moral et juridique de son projet.
Conseils des ministres décentralisés, Tournées économiques: une campagne électorale déguisée

Mercredi, lors du premier Conseil des ministres de l’ère Amadou Ba, le Président Macky Sall a informé le gouvernement de la reprise des tournées économiques, des Conseils des ministres délocalisés et des séances d’écoutes et d’échanges avec les forces vives de la nation. Aussi, le chef de l’Etat a instruit chaque Ministre à lui présenter (sur la période octobre 2022 et octobre 2023), des actions ministérielles ciblées et chiffrées, avec un calendrier d’exécution des projets et de réalisation des réformes. En plus de finir les chantiers au plus vite d’ici 2023, le Président Macky Sall a également exhorté les ministres « à clarifier au quotidien l’action de l’Etat devant les populations ou à travers les médias et les réseaux sociaux », dans le cadre de la communication gouvernementale.
A 15 moins de la fin de son deuxième mandat et de l’élection présidentielle de 2024, il y a sans nul doute, des airs de campagne électorale déguisée dans cette stratégie d’aller à la rencontre des populations, d’inaugurer de nouvelles infrastructures et d’investir les médias et les réseaux sociaux pour vendre le bilan du Président Macky Sall.
La loyauté exigée aux ministres
Macky Sall ne veut pas de rangs dispersés d’ici 2024. En attendant qu’il clarifie sa position devant l’opinion à propos du 3e mandat, il a exigé de ses ministres certaines qualités dont la loyauté. « Le Chef de l’Etat a exhorté les membres du Gouvernement à cultiver le sens de l’Etat, bâti autour de l’engagement, du dévouement, de la loyauté et de l’exemplarité. A ce propos, le Président de la République demande aux membres du Gouvernement de toujours faire preuve d’écoute, d’humilité, de collégialité et de solidarité dans un esprit d’équipe, d’incarner pleinement le combat et l’action en vue d’anticiper les urgences et de prendre en charge, avec efficacité, les requêtes, besoins et aspirations des populations », peut-on lire dans le communiqué du Conseil de ministres du mercredi 28 septembre 2022.
Le syndrome Mimi Touré, qui est récemment allée à l’encontre des décisions du président de la coalition BBY, jusqu’à quitter le groupe parlementaire de la majorité pour devenir un député non-inscrit, a certainement suscité beaucoup de craintes dans le camps du pouvoir.
Le projet d’amnistie pour Karim Wade et Khalifa Sall pour fragiliser Ousmane Sonko

C’est un secret de polichinelle. Macky Sall ne voudrait pas être succédé par Ousmane Sonko, si jamais il quitte le pouvoir en 2024. Et pour cela, il ne compte pas mettre tous ses œufs dans le panier du 3e mandat. Au cas où il abandonnerait l’idée de se représenter, il lui faudrait compter sur deux ou trois alternatives qui ne l’exposeraient pas lui et son entourage à des poursuites. Et comme à l’heure actuelle, il n’y a aucun dauphin en vue, la stratégie c’est de lancer les profils dans l’opposition qui pourraient casser la courbe de croissance du phénomène Ousmane Sonko, qui ne cesse de grimper.
C’est certainement dans ce cadre que, « abordant la consolidation du dialogue national et l’ouverture politique, le président de la République demande au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdus leurs droits de vote ». Un projet mis sur le dos du « Dialogue national » et qui vise essentiellement Karim Wade et Khalifa Sall respectivement condamnés en 2013 et 2018 et privés de leur droit de se présenter à une élection depuis 2019.
Les candidatures de Karim Wade avec le PDS et de Khalifa Sall avec Taxawu Sénégal pourraient diminuer la force du leader de Pastef. Mieux, créer des dissentions et autres conflits entre les leaders de l’inter-coalition Yewwi-Wallu. C’est du moins, ce que pensent certains observateurs de la scène politique sénégalaise. Toutefois, l’idée d’empêcher Ousmane Sonko de se présenter à la Présidentielle de 2024 semble être le rêve le plus fou du régime en place. Le dossier Adji Sarr est toujours pendant devant la justice et pourrait être déclenché à tout moment. Après les auditions de l’accusatrice, de la propriétaire du salon Sweet Beauté, Khady Ndiaye, de l’autre masseuse et du gynécologue, le Doyen des juges, Maham Diallo, qui a hérité du dossier après le décès de Samba Sall, n’a toujours pas convoqué Ousmane Sonko pour l’entendre. Ce dernier qui dit réclamer un procès, a pourtant affirmé à plusieurs reprises sa volonté d’être entendu sur le fond du dossier.
Que va-t-il se passer dans les prochains jours, semaines, mois à propos de ce dossier très sensible qui risque de plonger le pays dans une instabilité. Surtout si le régime décide d’en faire un moyen pour bloquer la candidature de Ousmane Sonko ? « Il n’y a que Dieu qui peut m’empêcher d’être candidat en 2024. Que ce soit clair », a averti le maire de Ziguinchor.
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