C’est un impératif pour le gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye de redresser le secteur de la pêche. Un secteur aussi vital que la pêche, qui est la première source de devises pour l’économie sénégalaise. Depuis quelques années, plusieurs pêcheurs disent ne plus vivre de leur métier à cause de l’envahissement des chalutiers étrangers. Ces derniers disposent de moyens plus sophistiqués, ce qui rend le poisson rare et cher sur le marché local, une situation dénoncée par les acteurs de la pêche et les consommateurs sénégalais. Cette situation, qui fait partie des priorités du nouveau régime, est un legs du gouvernement sortant de l’ancien président Macky Sall. Le chef de l’État Bassirou Diomaye Faye entend faire de la transparence une caractéristique cardinale dans sa manière de gérer les affaires publiques. Après avoir entamé un audit sur la gestion du régime sortant, le ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires, Dr Fatou Diouf, a publié la liste des navires autorisés à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise. Il s’agit de 151 navires, dont 132 nationaux et 19 internationaux, détenteurs de licences de pêche. Ce qui permettra d’ailleurs aux parties prenantes de lutter plus efficacement contre la pêche illicite, en fournissant une base pour le contrôle. En réalité, tous les pêcheurs se plaignent de la raréfaction des poissons. Sans détour et à l’unanimité, ils pointent du doigt les chalutiers européens et chinois qui épuisent le stock de poisson, une ressource vitale pour les pêcheurs. Certains sont même allés plus loin en liant la recrudescence de l’émigration irrégulière à la crise dans le secteur de la pêche artisanale. Certains pêcheurs se sont convertis en convoyeurs de migrants et, au lieu d’aller chercher du poisson, ils utilisent leurs pirogues pour amener plusieurs jeunes vers les côtes espagnoles, moyennant de fortes sommes. Les conséquences ont été drastiques, surtout ces dix dernières années, et le gouvernement de Macky Sall ne semblait pas faire d’efforts pour aider les jeunes à rester au pays. Alors que ce pêcheur trouve que la solution est très simple : « Si l’État annulait certains contrats, le poisson reviendrait. Puisqu’aujourd’hui, pour pêcher, il faut aller jusqu’à 80 ou 100 km pour attraper des poissons. Alors qu’avant, même à 10 km, on pouvait pêcher des thiofs, des dorades, des mérous », a fait savoir Abdoulaye Dia. Les pêcheurs sénégalais se plaignent surtout du fait que les Européens pratiquent une surpêche industrielle dans le désordre, détruisant tout sur leur passage. Les pêcheurs artisanaux les accusent de venir trop près de leurs côtes et de dilapider les ressources en petits poissons. Cela a conduit les chalutiers sénégalais à avoir des difficultés car ils n’arrivent plus à tirer profit de leurs propres eaux. En 2014, le gouvernement de Macky Sall et Bruxelles avaient conclu un accord thonier, avec un volet relatif aux poissons démersaux (merlu noir), conclu pour cinq ans et tacitement reconductible. Il a été reconduit jusqu’en 2025. Le protocole d’accord prévoit des possibilités de pêche pour jusqu’à 28 thoniers congélateurs, 10 canneurs (bateaux utilisant des cannes à pêches) et 5 palangriers (type de filet) d’Espagne, du Portugal et de la France, pour un tonnage de référence de 10 000 tonnes de thon par an et 1700 tonnes de merlus noir (pour deux navires espagnols). Ce type d’accord entre les deux pays consiste en l’accès aux ressources contre compensation financière. Cette compensation de 3 millions d’euros semble faible au regard du poids réel de la pêche dans l’économie sénégalaise. Un peu plus de 600 000 personnes vivent directement ou indirectement de la pêche. Ce chiffre représente un peu plus de 17% de la population active. Le poisson est aujourd’hui l’un des premiers produits d’exportation du pays. Depuis plusieurs années, la surexploitation des ressources halieutiques dans la zone exclusive du Sénégal rend la pêche artisanale de moins en moins viable. Les pêcheurs sénégalais accusent ces bateaux de venir trop près de leurs côtes et de dilapider les ressources en petits poissons. Également, la surpêche industrielle pratiquée est telle que les poissons se font rares, au grand désespoir des pêcheurs locaux qui sont privés de leur gagne-pain et sont parfois contraints de prendre le large pour rejoindre les îles Canaries. Mareyeur, Olivier Gomis fustige le fait que d’immenses chalutiers viennent trop près de « leurs côtes et pillent littéralement nos fonds, d’autant qu’ils récupèrent dans leurs filets des petits poissons comme des sardines ou des anchois qui nourrissent la population locale. Tout cela est dû aux accords signés par notre gouvernement. Les grands bateaux doivent pêcher à plus de 200 km afin de laisser les pêcheurs artisanaux travailler tranquillement. Or, ils viennent près de nos plages pour pêcher alors qu’ils ont beaucoup plus de moyens que nous ». D’un autre point de vue, Babacar ne comprend pas « l’égoïsme » des Européens qui « viennent piller les ressources pour les amener chez eux et laissent nos enfants dans une situation d’extrême pauvreté. Ce qui pousse certains de nos fils à prendre les pirogues à la recherche d’une vie meilleure. Donc ils ne peuvent pas prendre nos poissons et nous dire de retenir nos enfants. Les Européens ne veulent pas de nos enfants chez eux mais se battent pour avoir nos poissons ». Toutefois, si l’on remonte dans le temps, le premier accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne a été signé en 1979. Donc, l’accord actuel avec le président sortant Macky Sall est un renouvellement, le protocole le plus récent étant applicable depuis novembre 2019. Dans les années 90, selon Abdoulaye Dia, « il y avait beaucoup plus de poissons. Tu allais en mer et tu gagnais 100 000 ou 150 000 FCFA. Maintenant, pour gagner ne serait-ce que 10 000 FCFA, c’est un combat de titans. Et encore, si tu arrives à gagner 10 000 FCFA, tu dois les partager avec tout l’équipage. On a même vu des bateaux chinois venir pêcher dans nos eaux. Bien que la Chine n’ait pas de contrat ou d’accord avec le Sénégal dans ce sens-là, ces Chinois achètent des licences venant des bateaux qui ont des licences avec le Sénégal ». Afin de remédier à la baisse des ressources halieutiques dans les eaux du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye veut donc réserver les 12 premiers milles marins, soit environ 20 kilomètres depuis le littoral, aux pêcheurs pour éloigner les bateaux industriels et redonner la priorité aux pêcheurs sénégalais.