Dans la joie et l’allégresse qui ont suivi la victoire de la liste de Pastef, dirigée par Ousmane Sonko, lors des élections législatives du 17 novembre dernier, des questions cruciales et légitimes rappellent aux dirigeants, militants et sympathisants de l’actuel régime que l’heure n’est pas à la fête. Avec cette victoire, le Sénégal devrait entrer dans une phase de transformation majeure, portée par une nouvelle dynamique impulsée par les autorités en place, avec l’ambition de concrétiser le référentiel national de développement, « Sénégal 2050 ». Ce projet de société, qui vise à ériger le pays en modèle de souveraineté économique et sociale, se déploie dans un contexte marqué par des défis multiples et interconnectés. La majorité à l’Assemblée nationale obtenue lors des dernières législatives pourrait bien être la munition qui manquait à l’arme de Pastef afin de « déconstruire » les derniers vestiges d’un système de gouvernance dont l’ADN est hérité des socialistes, dès les premiers balbutiements de notre République souveraine.
Des députés avec plein pouvoir
La récente victoire législative de la majorité présidentielle constitue une opportunité historique pour engager des réformes profondes et ambitieuses. Ablaye Diop, ancien député de la 13e législature, estime que la nouvelle Assemblée nationale doit s’inscrire dans une dynamique de rupture profonde pour se hisser à la hauteur des exigences du réel changement du moment. « Mon intime conviction est que la nouvelle législature doit s’adapter à la dynamique de rupture pour laquelle la majorité des députés a été élue. Il faudrait pour ce faire des projets et propositions de loi audacieux et des comportements très responsables afin que la confiance que le peuple accorde aux parlementaires soit pérenne. Pour accompagner ce régime dans sa mission, il faudrait d’abord renforcer les prérogatives du député. Il doit être en mesure de contrôler directement l’action d’un ministre ou d’un directeur général. Ensuite, il faudrait aussi que l’assistanat du député soit renforcé. Autrement dit, le député doit être entouré de conseillers qualifiés dans tous les domaines. Il doit avoir un cabinet étoffé de personnel compétent pour l’aider dans sa mission. Ceci doit être une exigence, car beaucoup de nos députés ne savent ni lire ni écrire », indique l’ancien député. En d’autres termes, le pays est confronté à une crise fiscale qui met à l’épreuve ses marges de manœuvre. Le déficit budgétaire élevé et la suspension du programme de 1,9 milliard de dollars du FMI, en raison de dettes supposées non déclarées par l’ancien régime, compliquent la gestion des finances publiques. Alors que les discussions avec le FMI se poursuivent, les exigences budgétaires et les attentes des citoyens imposent des choix stratégiques et rigoureux pour maintenir la stabilité tout en répondant aux aspirations populaires. La nouvelle offre politique et sociale du Sénégal, proposée par Pastef, doit aussi passer par un toilettage des textes en vigueur dans notre pays. Le coordonnateur de Magui Pastef, Mayabé Mbaye, annonce déjà plus de 85 projets de loi qui doivent être soumis à la nouvelle Assemblée nationale. C’est dire que le changement sera profond. « Il faut que le projet référentiel du Sénégal d’ici 2050 s’accommode avec la législation sénégalaise. On ne pourra pas déployer ce projet avec l’arsenal juridique actuel, qui est en partie caduc. Pastef a une vision, et pour la concrétiser, il faudra nécessairement passer par l’Assemblée, qui est l’organe législatif. Le programme ‘Sénégal 2050’ ambitionne une croissance soutenue de 6,5 % d’ici 2029, avec des objectifs ambitieux tels que le triplement du PIB par habitant et une réduction drastique du taux de pauvreté. Ces objectifs nécessitent une diversification accrue de l’économie. La création de pôles territoriaux exploitant les spécificités régionales, notamment dans l’agro-industrie, les services et les nouvelles technologies, est une condition essentielle pour un développement équilibré et inclusif », explique le doyen.
Une Assemblée du peuple et non du parti
Pour la société civile sénégalaise en particulier, le Forum Civil, les nouveaux représentants du peuple cristallisent en eux presque un ultime espoir pour une assemblée soucieuse des intérêts des populations et au service d’un régime. « Dans ce contexte, la lutte contre la corruption et la mise en place d’une gestion transparente des ressources naturelles figurent parmi les priorités. Les audits en cours dans les secteurs minier, pétrolier et gazier traduisent une volonté affirmée des nouvelles autorités de rompre avec les pratiques opaques du passé. Néanmoins, instaurer une véritable culture de la transparence nécessite un effort soutenu pour renforcer les institutions et promouvoir une reddition des comptes exemplaire. Pour ce faire, une Assemblée nationale compétente est impérative », fait savoir Birahim Seck. En définitive, l’Assemblée nationale doit être la boussole qui guide le référentiel en fonction des intérêts et des priorités du peuple. Elle est aussi garante d’une nouvelle dynamique inscrite dans un contrôle indéfectible de l’action du gouvernement. Elle doit également être la matrice des réformes économiques, sociales et institutionnelles ambitieuses. Le Sénégal doit conjuguer modernisation et justice sociale, tout en restant en phase avec les aspirations de sa population et les exigences d’un contexte mondial en constante évolution. Cette transition, bien que complexe, représente une opportunité historique de placer le pays sur une trajectoire de prospérité durable et équitable. C’est mon intime conviction.