Le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu un décaissement de 230 milliards FCFA destiné au Sénégal, pointant du doigt le ministre des Finances, Cheikh Diba. Ce dernier ne s’est pas présenté devant le Conseil d’administration du FMI le 24 juillet, alors qu’il devait répondre à des questions cruciales concernant un eurobond de 450 milliards FCFA, lancé sans l’accord des partenaires financiers. Cette absence a eu des conséquences immédiates, privant le Sénégal de fonds essentiels avant le prochain décaissement prévu en décembre, s’élevant à 109 milliards FCFA.
Le faux-bond du ministre Cheikh Diba et le gel des 230 milliards FCFA
En effet, lors de sa mission de revue à Dakar, du 6 au 19 juin 2024, le FMI avait conclu à une présentation du dossier portant sur 230 milliards FCFA devant son Conseil d’administration en juillet 2024. Dans une mission du FMI intervenue à la même époque, l’institution internationale a révélé que le Sénégal était dans une posture de surfinancement, c’est-à-dire d’excédent de liquidités. Le FMI avait même ajouté que le pays de la Teranga pouvait utiliser cet argent pour des opérations de gestion du passif sur ce surfinancement. Le but était alors de baisser le niveau de la dette et de réduire le surendettement. Ainsi, selon l’analyste politique de SeneNews, « si on nous apprend aujourd’hui que le ministre du Budget et des Finances, Cheikh Diba, a fait faux-bond à l’institution dans le cadre d’une rencontre préparatoire pour le décaissement de 230 milliards supplémentaires, laquelle devait se tenir le 24 juillet dernier, cela peut s’expliquer, selon la même source, par le fait que les autorités sénégalaises étaient en train de mieux se préparer pour justifier l’eurobond de 450 milliards de juin ». Car, manifestement, le malaise vient de là. De l’avis de l’expert politique, en émettant ce prêt sur les marchés financiers, les nouvelles autorités savaient pourtant que « le FMI allait décaisser le second montant d’un prêt financier accordé en 2023, et que d’autres financements étaient en cours de préparation au mois de juillet de cette même année. L’approbation des revues par le Conseil d’administration du FMI aurait conduit au décaissement. Donc, il n’y avait ni urgence ni péril en la demeure. Pourquoi faire un prêt dont on n’a pas besoin ? »
Le FMI évoque un « surfinancement » sur la dernière émission de l’eurobond
Pourtant, à l’issue de l’examen du Conseil d’administration du FMI, le Sénégal avait accès à 230 milliards FCFA. Et sur ce point, Edward Gemayel, qui avait dirigé l’équipe du FMI, avait estimé qu’il y avait un « surfinancement » sur la dernière émission de l’eurobond du gouvernement du Sénégal. Ces propos de l’autorité de l’institution internationale monétaire sont, selon le politologue, « des reproches à peine voilés adressés aux nouvelles autorités. C’était pour leur dire qu’elles ont fait montre d’une appréciation erronée de la situation, car elles n’avaient pas besoin des 450 milliards levés sur le marché financier ». Alors, de deux choses l’une : soit le Sénégal n’avait pas suffisamment confiance au FMI, soit il travaille à se passer des services de l’institution. D’ailleurs, parmi ces options, l’analyste politique opte pour la seconde, puisqu’il argue que « l’argument d’une meilleure préparation nous semble léger. L’attitude de Cheikh Diba, qui aurait fait faux-bond à l’institution, traduit un désir d’asseoir les conditions d’une certaine souveraineté à ce niveau en rompant la dépendance par rapport au FMI. Cette hypothèse est renforcée par le fait que le pays a levé des fonds dont, manifestement, il n’avait pas besoin. Il va sans dire qu’une telle situation pourrait refroidir les relations entre le FMI et le Sénégal ». Une situation qui, si elle survenait, traduirait la nouvelle vision des autorités actuelles, dont l’ambition première est justement de se passer d’institutions comme le FMI. Toute la question est maintenant de savoir si le Sénégal a suffisamment de ressources à court et moyen terme pour y parvenir.