Une lueur d’espoir s’allume pour l’économie sénégalaise avec l’effectivité de l’exploitation du pétrole depuis ce 11 juin. Un nouveau départ pour ce pays classé parmi les moins avancés de la planète (PMA). Depuis les premières découvertes de pétrole, une légende propulse déjà le pays dans le cercle des nations les plus développées. Depuis lors, de nombreux préjugés circulent sur l’impact de cette ressource naturelle sur le quotidien des Sénégalais. Parmi eux, la croyance que l’argent va désormais couler à flots et que les hydrocarbures vont coûter moins cher. Après l’annonce de Woodside sur le premier baril de pétrole sorti du site de Sangomar le 10 juin et l’entrée du Sénégal dans le cercle des pays producteurs, l’espoir est permis chez de nombreux citoyens qui croupissent sous le coup de la pauvreté. Beaucoup s’imaginent que leur train de vie va s’améliorer et que leur pays sera moins pauvre. Il y a tout de même des raisons de relativiser ce sentiment.
Pourquoi doit-on rêver ?
En tant que principale source d’énergie au niveau mondial, l’industrie pétrolière et gazière oriente l’économie depuis des siècles. Le pétrole, également connu sous le nom de brut (ou pétrole brut), est l’une des matières premières les plus précieuses sur les marchés mondiaux. Représentant près du tiers des réserves énergétiques mondiales, il revêt une importance capitale pour de nombreuses industries et pays. Le pétrole est une substance naturelle noire et visqueuse qui peut être transformée en essence, carburant diesel, kérosène, carburant aviation, huile moteur, asphalte, paraffine et divers autres produits. En général, le prix du pétrole est élevé et varie quotidiennement en fonction de différents éléments tels que l’offre et la demande, l’économie mondiale, les problèmes environnementaux et les conflits ou autres événements dans les pays acheteurs ou producteurs. Une croyance qui est à la hauteur des attentes, d’autant plus que depuis dix ans, les médias et les politiques ne cessent d’en parler. Des attentes légitimes, d’autant plus que l’annonce de la capacité de production de 100 000 barils par jour est une énorme potentialité. À cela s’ajoute le fait qu’il s’agit d’une ressource pétrolière de qualité, selon les responsables de Woodside, prisée sur les marchés européens et asiatiques. C’est le rêve de tout pays disposant de pétrole dans son sous-sol, car ce liquide si précieux est très convoité sur le marché mondial. Le pétrole est aujourd’hui la principale source de revenu de presque tous les pays du Golfe persique. L’Arabie Saoudite, le Qatar et tous les pays de cette zone doivent leur développement à cette ressource naturelle. Tous ces exemples font partie des facteurs qui font rêver les Sénégalais avec cette découverte et l’exploitation du pétrole. Bien sûr, à côté de ces exemples de réussite, il y a aussi des contre-exemples qui font réfléchir. Plusieurs pays africains exportateurs de pétrole depuis des décennies font toujours partie des plus pauvres de la planète. Alors il y a de quoi se méfier.
Les limites de l’euphorie
Il faudrait cependant tempérer les ardeurs et se rendre à l’évidence que le Sénégal bénéficie d’une ressource minière capitale, le pétrole, mais qu’il n’a pas les capacités techniques pour l’exploiter. Comme pour l’exploration, il a fallu un Senior, c’est-à-dire un géant en la matière ayant la compétence pour l’exploitation. Cela a poussé le pays à faire appel à Cairn Energy, qui a découvert la ressource rare à Sangomar Deep, à 100 kilomètres des côtes sénégalaises. Malheureusement, Woodside, un autre Senior qui en a assuré l’exploitation en co-entrepreneuriat, ne concède que 18 % à Petrosen, qui représente le Sénégal. Le journaliste chroniqueur de SeneNews, Assane Samb, révèle certains aspects qui peuvent aussi plomber l’impact des retombées du pétrole sur le panier de la ménagère sénégalaise. « En dehors du fait que les parts du pays vont être limitées malgré les gains additionnels liés aux taxes et autres droits, l’argent ira au Trésor public et pourrait largement servir à payer des dettes et des dépenses de fonctionnement au détriment de celles d’investissement. En décembre 2021 d’ailleurs, un conseil présidentiel s’était tenu à Diamniadio pour discuter de l’utilisation de ces ressources. Il a été fortement recommandé de réserver 10 % de celles-ci à un Fonds intergénérationnel et de créer un fonds de stabilisation. Au cours de la même rencontre, il a été recommandé d’interdire l’utilisation de ces ressources pour augmenter les salaires », a-t-il fait savoir. Nous ne savons pas ce que les nouvelles autorités feront de ces recommandations, mais leur discours actuel sur la révision de ces accords va davantage conforter les populations dans la croyance que le pétrole pourra améliorer leur quotidien. Néanmoins, avec les clauses de précaution souvent insérées dans ce type de contrat, la révision ne sera pas facile, à moins de payer d’énormes dommages et intérêts. Qu’à cela ne tienne, l’exploitation inégalée des ressources pétrolières a souvent été source de tension en Afrique. « La malédiction du pétrole » découle, en partie, des enjeux liés à cette exploitation et du fait que les populations se révoltent lorsque des dirigeants véreux s’accaparent de tout.