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Le ministère des Finances et du Budget a publié, avec du retard, les rapports d’exécution budgétaire du 4ᵉ trimestre 2024 et du 1er trimestre 2025. Ces documents assurent la transparence dans la gestion des finances publiques, permettent d’identifier les écarts entre prévisions et réalisations, et d’envisager des mesures correctives si nécessaire. Entre urgences et réorientations, plusieurs économistes examinent les orientations budgétaires du duo Sonko-Diomaye. La publication des rapports trimestriels a offert un éclairage plus précis sur la politique économique des nouvelles autorités, 15 mois après leur accession au pouvoir. Annoncé comme un régime de rupture, le gouvernement Sonko-Diomaye révèle à la fois ses capacités et ses limites face aux attentes des Sénégalais. Héritiers d’une économie alourdie par la dette, ils affichaient la volonté de rompre avec le modèle de gouvernance passé, marqué par une forte dépendance aux ressources extérieures. Ainsi, dans la Loi de finances initiale (LFI) 2025, le régime prévoit de réduire le déficit budgétaire à 7,1 % du PIB en 2025, puis à 3 % en 2027. Cependant, si la maîtrise du déficit semble en vue, la faible exécution des investissements, notamment sur ressources internes, inquiète certains économistes.

L’urgence d’un redressement budgétaire

Pour l’enseignant-chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop, le Professeur Amath Ndiaye, l’ambition des nouvelles autorités est noble, mais le redressement budgétaire constitue une urgence nationale pour 2025. Selon lui, les rapports du 4ᵉ trimestre 2024 et 1er trimestre 2025 révèlent une situation préoccupante des finances publiques. « Si les recettes fiscales sont bien orientées, le niveau élevé du déficit budgétaire, la faible exécution des investissements publics et le poids croissant de la dette soulignent l’urgence d’un redressement. À défaut, le pays s’expose à des conséquences graves sur la croissance, l’emploi et la réalisation de la Vision 2050 », avertit-il. Le professeur souligne cinq faits saillants qui justifient cette urgence. D’une part, les recettes fiscales ont augmenté de 11,6 % au premier trimestre 2025, confirmant une bonne dynamique interne, mais les ressources extérieures (dons) sont quasi inexistantes, limitant les marges de financement. D’autre part, les charges d’intérêts sur la dette ont bondi de 24 % par rapport à début 2024, les investissements publics reculent nettement (seulement 0,86 % des crédits internes exécutés) et le déficit budgétaire 2024 a atteint 12,6 % du PIB, bien au-dessus des prévisions. Face à cette situation, il anticipe une trajectoire budgétaire difficilement tenable. Le déficit budgétaire effectif de 2024 s’est établi à 2 500,95 milliards FCFA, soit environ 12,6 % du PIB, supérieur à la prévision initiale de 11,1 %. Pour 2025, le déficit prévu reste au-dessus de la norme communautaire. « L’objectif de réduction à 3 % du PIB en 2027 fixé par l’UEMOA semble difficilement atteignable, même avec des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Les charges d’intérêts sur la dette (225,24 milliards) progressent de 24 % par rapport au premier trimestre 2024. S’endetter sur le marché régional UEMOA-Titres à 6-7 % demeure soutenable, mais le Sénégal est contraint de retourner sur les marchés financiers internationaux, où les taux dépassent 10 à 12 %. C’est là que la dette devient insoutenable », explique l’économiste. Pour éviter ces difficultés, il recommande au gouvernement d’accélérer les décaissements pour les projets d’investissements structurants, de renforcer les négociations avec le FMI, et de mettre en œuvre un plan de redressement budgétaire, avec ou sans le FMI. Ce plan devra impérativement réduire les subventions inefficaces, maîtriser les dépenses de fonctionnement, réorienter les investissements vers les secteurs à fort rendement économique, et protéger les plus pauvres.

« Débloquer les chaînes de décision et passer à l’action »

Pour l’ingénieur financier et homme politique, Dr Mouhamed Ben Diop, leader du parti Pass-Pass, la forte progression des recettes fiscales début 2025 masque une réalité plus décevante : un matraquage fiscal et un recouvrement asphyxiant des contribuables. Selon lui, cela se traduit par des baisses d’activité, des licenciements et des fermetures de commerces. « Un autre point qui fait grincer des dents : les dons extérieurs se sont effondrés de plus de 70 %. C’est comme si, après une belle promesse, les partenaires avaient disparu. Ce trou dans la raquette appelle à une meilleure stratégie de mobilisation et d’engagement des bailleurs », explique-t-il. Cependant, Dr Mouhamed Ben Diop estime que, dans l’orientation politique des nouvelles autorités, l’investissement public reste un grand mot sans actes concrets. Avec à peine 2,6 milliards FCFA dépensés par l’État pour ses propres investissements au premier trimestre, il est difficile de parler de relance. « On attendait un coup d’accélérateur, on a eu un frein à main doublé d’un calage moteur. Il devient urgent de débloquer les chaînes de décision et de passer à l’action », conseille-t-il.