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La capitale sénégalaise a accueilli cette semaine Édouard Gemayel, à la tête d’une délégation du Fonds monétaire international (FMI), pour une mission qualifiée de « spéciale » par le représentant du FMI lui-même. Objectif déclaré : éclaircir le rapport de la Cour des comptes publié à la mi-février et examiner les implications d’une dette publique sous-estimée depuis l’ancienne administration. Selon le rapport, la dette publique sénégalaise, initialement évaluée à plus de 70 % du PIB en décembre 2023, atteindrait en réalité près de 100 % du PIB. « Comme le rapport de la Cour des comptes le dit très clairement, il y a eu une décision consciente de sous-estimer ce stock de la dette pendant les années précédentes », explique Édouard Gemayel sur RFI, confirmant ainsi l’ampleur de l’ombre financière qui plane sur le pays. Le FMI confirme que cette sous-estimation a permis à l’ancien gouvernement de s’endetter davantage sur les marchés, offrant un signal positif aux investisseurs et profitant de taux plus favorables. « Ce n’est pas un détournement à proprement parler, mais le stock de la dette a été sous-estimé d’environ 6 à 7 milliards de dollars, soit 25 % du PIB », précise le représentant du FMI, soulignant l’ampleur du défi qui attend les autorités actuelles. Face à cette situation, la question se pose : le FMI peut-il continuer à soutenir le Sénégal dans ses demandes de financement ? Gemayel reste prudent : « La première étape est de déterminer ce qui s’est passé et quelles mesures correctrices les autorités vont prendre pour éviter que cela se reproduise. Une fois cette évaluation achevée, nous soumettrons un dossier au conseil d’administration du FMI ». Deux options se dessinent pour le conseil : accorder une dérogation au Sénégal pour ne pas rembourser certaines décaissements passés basés sur des données erronées, en échange de mesures correctrices, ou exiger le remboursement complet. « Mais ce n’est pas nous qui décidons, c’est le conseil d’administration », insiste Édouard Gemayel, rappelant que la décision finale repose sur un processus collégial et indépendant. Les manquements relevés par la Cour des comptes pourraient revêtir des qualifications pénales, allant du faux en écriture au blanchiment d’argent, selon le ministre de la Justice. « C’est le rôle de la justice sénégalaise de poursuivre ces faits », souligne le représentant du FMI, précisant que ses experts se limitent à constater les anomalies financières sans en juger la nature pénale. Le parallèle avec le Mozambique en 2016, où le FMI avait suspendu ses financements après la découverte d’un milliard de dollars de prêts cachés, n’est pas anodin. « Pour le moment, le programme avec le FMI est suspendu afin de résoudre la question des fausses données. Une fois que notre conseil d’administration statuera, nous pourrons reprendre les discussions », explique Gemayel, évoquant la prudence qui guide l’institution face aux risques systémiques. Pour le Sénégal, cette suspension tombe à un moment critique. Le pays, en situation de liquidité tendue, espère relancer les financements. Mais Gemayel rappelle la condition sine qua non : « Jusqu’à ce jour, nous ne pouvons pas dire si le programme va reprendre. Nous devons résoudre le problème des fausses données, mais nous avançons le plus vite possible pour mettre ce dossier derrière nous ». Entre transparence et réformes, le FMI appelle donc à une réévaluation complète du système de gestion de la dette. Édouard Gemayel conclut sur une note d’optimisme mesuré : « Notre objectif est de rétablir la confiance et de permettre au Sénégal de renouer avec des relations financières stables, tout en s’assurant que de tels manquements ne se reproduisent plus ». L’enjeu dépasse les chiffres : il s’agit de crédibilité, de gouvernance et de l’avenir économique du pays.