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Épaulée par le cabinet Affirmative-Afrique, l’Inspection générale d’État (IGE) s’intéresse à une opération controversée conclue sous l’ancien régime : l’acquisition de cinq avions L410-NG auprès de la société tchèque Omnipol SA. Depuis le 30 avril, sous la carlingue d’Air Sénégal, l’IGE s’active dans une mission à triple volet — technique, opérationnel et financier. D’après L’Observateur, les vérificateurs de l’État, assistés du cabinet Affirmative-Afrique, ont entamé une revue approfondie de la compagnie nationale avec un objectif clair : éliminer toute zone d’ombre autour de certains contrats stratégiques, dont celui relatif à l’achat des cinq avions L410-NG. Ce marché, estimé à plus de 38 milliards de francs CFA, avait été attribué par entente directe à Omnipol, au nom d’une prétendue urgence de renforcer les lignes domestiques. Selon L’Observateur, les nouvelles autorités veulent désormais établir si ce projet, longtemps brandi comme un pilier du Plan Sénégal Émergent (PSE), n’a pas servi de paravent à des irrégularités contractuelles ou financières. Toujours selon L’Observateur, l’affaire remonte à août 2023, lorsque l’ancien ministre des Transports aériens, Doudou Ka, dirige une délégation de 11 personnes à Prague, en République tchèque. Cette mission visait à affiner les discussions techniques avec Omnipol SA et à structurer le financement avec deux banques tchèques : Komerční Banka (KB) et Česká Spořitelna AS. Dans un document adressé à l’ex-Premier ministre Amadou Bâ — dont L’Observateur s’est procuré copie — Doudou Ka explique que l’accord envisagé porte sur la livraison de cinq avions, la formation de personnels (pilotes, ingénieurs, techniciens), des équipements au sol, et deux moteurs de rechange, le tout pour un montant de 59 078 475 euros, soit environ 38,7 milliards de francs CFA. Le schéma de financement prévoit 15 % d’avance par crédit commercial et 85 % par un crédit acheteur à l’exportation, à long terme.

Le grand pari du hub aérien se transforme en casse-tête

Au cœur de cette opération, le rêve d’un hub aérien ouest-africain voulu par Macky Sall, avec pour vitrine un réseau national aérien renforcé. Selon les chiffres compilés par L’Observateur, l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) avait retrouvé en 2022 son niveau pré-Covid avec 2,6 millions de passagers, et les projections pour 2023 avoisinaient les 3 millions. Parallèlement, le régime lançait le Programme de réhabilitation des aéroports du Sénégal (PRAS) : Saint-Louis, Ziguinchor, Kolda, Matam ou encore Cap-Skirring devaient être desservis. Dans cette dynamique, Air Sénégal avait introduit les ATR 72-600, mais leur retrait en 2023 a alimenté les soupçons. Officiellement, c’était pour alléger les charges, mais selon une enquête de L’Observateur, cela aurait surtout ouvert la voie à l’intégration des appareils tchèques dans la flotte nationale. Malgré des pertes d’exploitation estimées à 3,5 milliards de francs CFA, le président Macky Sall pousse le projet. Il autorise même l’ouverture de l’aéroport militaire de Yoff aux vols civils. Le 7 décembre 2023, Doudou Ka, devenu entretemps ministre de l’Économie, signe l’accord de financement à Prague, dans les conditions initiales négociées. Mais le changement de régime rebat les cartes. Me Antoine Mbengue, qui succède à Doudou Ka aux Transports aériens, hérite d’un dossier explosif, selon les termes de L’Observateur. Dans une correspondance adressée au Directeur central des marchés publics, il alerte : « Ces appareils sont inadaptés, sujets à des pannes récurrentes, et aggravent notre déficit financier. Le président a d’ailleurs instruit leur vente dans les meilleurs délais. » Le contrat Omnipol, validé dans une ambiance de précipitation budgétaire, est aujourd’hui scruté comme un symbole des dérapages de la gouvernance antérieure. Selon des sources citées par L’Observateur, le ministère des Finances, celui des Transports et Air Sénégal avaient validé la proposition d’Omnipol sans contre-expertise indépendante. Le tout sous la pression de délais politiques et sans débat public. Dans les couloirs du pouvoir actuel, le contrat fait l’objet d’une vigilance extrême. À en croire L’Observateur, chaque clause est passée au crible pour détecter les éventuels conflits d’intérêts ou arrangements occultes. Une source gouvernementale confie : « Ce contrat pourrait cacher des secrets lourds, et nous ne voulons pas hériter d’un fardeau diplomatique ou judiciaire. »