Entre le 6 et le 7 mai 2025, l’Inde et le Pakistan ont franchi un nouveau seuil critique dans leur longue rivalité géopolitique. Des frappes aériennes revendiquées par l’armée indienne ont visé des « sites terroristes » en territoire pakistanais, provoquant une riposte immédiate d’Islamabad. Ce regain de tension, au-delà de ses conséquences régionales, inquiète jusqu’en Afrique, notamment dans les pays dépendants des importations agricoles du sous-continent asiatique, comme le riz. Le Sénégal et d’autres États ouest-africains en ressentent déjà les premiers frissons. Dans la nuit du 6 mai, plusieurs avions de chasse indiens ont pénétré l’espace aérien pakistanais et frappé ce que New Delhi qualifie de « camps d’entraînement terroristes » situés dans la région de Balakot, au nord du Pakistan. Selon les autorités indiennes, ces frappes visaient à « répondre à une série d’attaques transfrontalières ayant coûté la vie à 14 soldats dans le Jammu-et-Cachemire ». Islamabad, dénonçant une « violation flagrante de sa souveraineté », a répliqué dès le lendemain matin par des tirs d’artillerie le long de la ligne de contrôle (LoC), accompagnés d’une contre-attaque ciblée contre deux installations militaires indiennes dans le district de Poonch. « L’Inde a franchi la ligne rouge », a déclaré un porte-parole de l’armée pakistanaise, ajoutant que « chaque agression recevra une réponse proportionnée et décisive ». Alors que les deux pays avancent des bilans divergents, l’ONU et plusieurs capitales occidentales ont appelé au calme, redoutant une guerre ouverte entre ces deux puissances nucléaires.
Une crise géopolitique qui menace l’assiette africaine
Mais les répercussions de cette escalade dépassent largement le théâtre sud-asiatique. Sur les marchés mondiaux, la nervosité est palpable. L’Inde et le Pakistan figurent parmi les plus grands exportateurs mondiaux de riz, une céréale stratégique pour de nombreux pays africains, dont le Sénégal, le Nigeria ou encore la Côte d’Ivoire. « Cette crise a d’ores et déjà un effet immédiat sur les prix du riz sur les marchés à terme. En 48 heures, le prix de la tonne de riz basmati a augmenté de près de 7 %, tandis que les contrats à trois mois affichent une tendance haussière durable », explique le Dr Alioune Diop, économiste et spécialiste des politiques agricoles basé à Dakar. Le Sénégal, qui importe près de 70 % de son riz consommé, se trouve dans une position particulièrement vulnérable. L’essentiel de ses approvisionnements provient d’Inde, de Thaïlande et, dans une moindre mesure, du Pakistan. Une perturbation prolongée des corridors maritimes de l’océan Indien pourrait entraîner une flambée des délais de livraison et une explosion des coûts logistiques. Le chercheur Cheikh Badji Thiam, spécialiste des relations Sud-Sud au Centre africain d’études géopolitiques, alerte : « L’Afrique de l’Ouest n’a pas encore sécurisé son indépendance alimentaire. Le moindre soubresaut dans les pays producteurs de riz crée une onde de choc immédiate sur les étals des marchés africains. » Au-delà des effets sur les prix, les implications sociales pourraient être explosives. Le Dr Diop avertit que « la hausse des prix du riz pourrait entraîner une inflation généralisée sur les produits de base, ce qui provoquerait des tensions sociales, notamment dans les zones urbaines défavorisées. Si les exportations indiennes sont suspendues, même temporairement, nous risquons un scénario similaire à celui de 2008, avec des émeutes de la faim. Ce n’est pas une hypothèse lointaine. » Cette flambée géopolitique souligne aussi une carence de stratégie sur le continent. « Ce conflit entre l’Inde et le Pakistan expose brutalement notre dépendance à l’importation. Il est impératif que le Sénégal active un plan d’urgence pour soutenir la production locale de riz et limiter les importations durant les prochains mois », insiste Diop. Un constat partagé par Thiam, qui ajoute : « Depuis la crise du COVID, on aurait dû tirer des leçons. Là, nous courons encore derrière les mêmes fournisseurs, sans stratégie de diversification. » Les enjeux ne se limitent pas au riz. D’autres produits stratégiques, tels que les engrais – dont l’Inde est un important transformateur – pourraient se raréfier, mettant en péril les campagnes agricoles africaines. Thiam suggère une réaction à l’échelle régionale : « Il faut envisager un mécanisme régional de compensation ou un fonds d’urgence alimentaire au sein de la CEDEAO. L’Union africaine devrait également convoquer une session spéciale pour évaluer les conséquences géoéconomiques du conflit indo-pakistanais et proposer des alternatives d’approvisionnement via l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine. » Alors que la situation militaire semble s’enliser, la crainte d’un impact durable s’installe. Au Sénégal comme ailleurs, les décideurs politiques ne peuvent plus ignorer les liens étroits entre conflits internationaux, marchés agricoles et stabilité sociale. « La prochaine guerre ne sera pas seulement militaire, elle sera alimentaire », conclut le Dr Diop dans un avertissement qui résonne bien au-delà des frontières sénégalaises.