
L’annonce relayée par Reuters, selon laquelle l’État du Sénégal envisagerait de racheter les parts de Kosmos Energy dans le bloc gazier de Yakaar Teranga à l’expiration de la licence actuelle, continue de susciter de nombreuses réactions dans le secteur énergétique. La déclaration, confirmée par le ministre de l’Énergie, Birame Soulèye Diop, en marge de la cérémonie d’ouverture du Forum MSGBC à Diamniadio, laisse entrevoir une nouvelle orientation stratégique dans un dossier déjà marqué par plusieurs revers. La licence de l’opérateur en place arrive à échéance en juillet 2026, et Kosmos, qui détient 90 % des parts, espère toujours obtenir une décision finale d’investissement (DFI) la même année. Cependant, la compagnie peine depuis plusieurs mois à trouver un partenaire pour lancer la phase de production du gisement. Cette difficulté intervient après le retrait de BP, initialement engagée dans le projet, mais qui s’était désistée en raison d’un désaccord sur l’orientation stratégique du gaz : exportation pour la multinationale, consommation locale pour l’État sénégalais. Face à cette situation, le ministre Birame Soulèye Diop a laissé entendre que Petrosen pourrait prendre la relève. Mais selon plusieurs experts consultés par Le Quotidien, cette hypothèse semble difficilement réalisable dans l’état actuel des capacités techniques et financières de la société nationale. Petrosen ne détient que 10 % du projet et devrait consentir d’importants investissements pour rendre viable l’exploitation du gisement. Les spécialistes rappellent que, malgré l’existence d’études préalablement réalisées par BP, un nouvel opérateur devrait mener une étude d’impact environnemental et social et réévaluer certaines options techniques. Les divergences passées avaient conduit à la création du Réseau gazier du Sénégal (RGS) destiné à assurer l’approvisionnement du marché domestique, un dispositif qui reste cependant inachevé. L’exploitation du gaz de Yakaar Teranga implique également l’acquisition d’infrastructures majeures, dont un FPSO — une unité flottante permettant d’extraire, de traiter et de canaliser le gaz vers une usine de liquéfaction pour une éventuelle conversion en GNL. Ce type d’investissement, combiné à la construction d’une unité de traitement et à la mise en place de la logistique en amont, représenterait au minimum 6 milliards de dollars, selon les estimations d’experts du secteur. Ces coûts s’ajoutent aux incertitudes liées à la capacité du marché domestique, jugé insuffisant par BP lors des discussions antérieures, pour absorber seul la production issue de Yakaar Teranga. Les autorités avaient cependant envisagé un schéma où le projet GTA assurerait l’approvisionnement pour l’exportation, laissant Yakaar Teranga alimenter le réseau national. Si Kosmos Energy décidait de se retirer définitivement, l’État devrait alors trouver de nouveaux partenaires pour combler le vide laissé par les opérateurs internationaux. Dans le contexte économique actuel, les analystes interrogent la capacité du Sénégal à mobiliser, seul, les financements nécessaires, d’autant que même Kosmos n’a pas réussi à attirer un remplaçant après le départ de BP. Pour l’heure, aucune décision finale n’a été prise, mais les interrogations persistent : qui accepterait de prendre le risque d’investir dans un projet aussi coûteux, dans un environnement aussi incertain ?