Répondant à l’ancien président Macky Sall, qui affirmait « être le premier surpris à entendre parler de dette cachée » et argumente que « une dette publique, on ne peut pas la cachée par définition […] », le ministre de l’Economie conclut que : « Le FMI devra également expliquer à son Conseil d’administration que la dette du Sénégal demeure soutenable, d’où le service qui se faisait sans difficulté, ce qui ramènera le Sénégal sur les marchés ». Cette conclusion illustre bien qu’après une année de débats autour d’une prétendue dette « maquillée », « falsifiée », « cachée » ou « erronée », l’urgence n’est plus de polémiquer, mais de mobiliser les leviers permettant de renouer avec les marchés financiers internationaux. En d’autres termes, il est temps de démontrer la soutenabilité de la dette sénégalaise. Comme nous l’avons déjà souligné dans notre dernier article sur les finances publiques, la dette actuelle du Sénégal, placée dans le contexte actuelle d’une projection de croissance à deux chiffres, demeure soutenable. Selon la théorie de Domar, une dette reste soutenable dès lors que le taux de croissance excède le taux d’intérêt réel qui la rémunère, ce qui permet au pays d’honorer ses engagements tout en maintenant son ratio dette-PIB sous contrôle. La trajectoire de croissance actuelle offre donc au Sénégal une marge de manœuvre favorable. Aujourd’hui, au lieu de poursuivre des débats théoriques sur des chiffres contestés, nous devons œuvrer pour rétablir rapidement la crédibilité du pays et retrouver les marchés financiers internationaux. La publication sans délai des résultats de l’audit de la dette confié au cabinet Forvis Mazars, en complément de celui de la cour des comptes, constitue une étape cruciale pour clore les débats et recentrer les énergies sur les priorités telles que la restauration de la confiance des investisseurs et la relance de l’économie qui peine, depuis 2021, à retrouver un rythme soutenu. Pour cela, les autorités doivent renforcer la transparence et la gouvernance en reprenant la publication régulière et détaillée du Bulletin statistique de la dette publique, afin de rassurer partenaires et bailleurs sur la fiabilité des données. Cette initiative doit s’accompagner d’un cadre institutionnel plus robuste, capable de centraliser l’ensemble des informations sur l’endettement et d’anticiper les risques, comme nous l’a recommandé dernièrement le FMI. Dans le même esprit, un dialogue structuré doit être engagé avec les agences de notation et les institutions financières internationales, afin d’expliquer les réformes en cours, de clarifier la trajectoire budgétaire et de convaincre de la soutenabilité du modèle économique sénégalais. Ce travail ne saurait être crédible sans un plan de consolidation budgétaire cohérent, fondé sur l’élargissement de l’assiette fiscale, la mobilisation accrue des recettes intérieures et une rationalisation des dépenses, ce qui plaide pour la mise à disposition publique du plan de redressement économique et social présenté au Grand Théâtre depuis environ deux mois. En parallèle, une diplomatie économique offensive doit être mise en œuvre. Le Sénégal gagnerait à multiplier les rencontres ciblées avec les investisseurs, à exposer une vision claire de son avenir économique, d’où la nécessité d’adopter comme référence des politiques publiques « le plan Sénégal Vision 2050 » présenté à Diamniadio depuis plus d’un an. Toutefois, la réussite de ses différentes actions repose un facteur multiplicateur à savoir un climat social apaisé. Les réformes économiques et financières ne porteront significativement leurs fruits que dans un contexte apaisé, préservé des tensions politiques et des polémiques judiciaires. Les convocations ou arrestations médiatisées de personnalités publiques pour des délits dits « d’opinion » ou dans le cadre de la reddition des comptes risquent d’alimenter des controverses stériles, de brouiller le message économique et, surtout, d’inquiéter les investisseurs en quête de stabilité. La reddition des comptes doit se poursuivre, mais de manière rigoureuse, institutionnelle et discrète, hors des radars médiatiques, afin de ne pas compromettre les efforts de relance économique. En conjuguant transparence financière, crédibilité institutionnelle, stratégie économique affirmée et apaisement du climat social, le Sénégal pourra non seulement regagner la confiance des marchés financiers internationaux, mais également jeter les bases d’une croissance durable, résiliente et inclusive. Nous disons oui à l’appel de la patrie !!! Dr. Balla KHOUMA Statisticien Economiste