fmi - Senenews - Actualité au Sénégal, Politique, Économie, Sport

Le Sénégal accueille, du 23 octobre au 4 novembre, une mission du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Edward Gemayel, pour la poursuite des négociations d’un nouveau programme. Dans un contexte de tensions autour des finances publiques du pays, des économistes décryptent les enjeux de ce programme, qui s’annonce être sans décaissement de fonds.

Contexte : Poids de la dette et incertitudes

Cette mission revêt une haute importance pour le Trésor public sénégalais, qui peine à retrouver son équilibre budgétaire. La situation est d’autant plus délicate depuis la suspension du précédent programme du FMI (d’un montant de 1,8 milliard de dollars US, soit environ 1 016 milliards de FCFA) et les récentes déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko, qui accusait le régime du Président Macky Sall d’avoir maquillé les chiffres des comptes publics. Aujourd’hui, avec un ratio Dette/PIB estimé à 132%, les finances publiques sont lourdement impactées par le service de la dette. C’est dans ce contexte critique que le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, a reçu, jeudi 23 octobre 2025, la délégation du FMI. Les échanges ont porté sur les contours d’un nouveau programme, le cadre macroéconomique du pays et les perspectives à moyen terme. Selon le ministère, un accent particulier a été mis sur : • L’amélioration de la qualité des dépenses d’investissements publics. • La stratégie d’endettement à moyen terme, qui privilégie la monnaie locale. • L’importance de l’appartenance du Sénégal à l’UEMOA, qui a facilité le refinancement de la dette. Le gouvernement a réitéré sa « ferme volonté à finaliser, dans les plus brefs délais, un nouveau programme » afin de renforcer la confiance après une période d’incertitudes liées à la soutenabilité de la dette.

La crédibilité avant les fonds

Après l’épisode de la « dette cachée », les enjeux d’un nouveau programme sans décaissement sont multiples. Pour Moubarack Lô, ancien Conseiller spécial et économiste en chef, le plus important est la signature du programme, qui sert de signal de confiance aux autres partenaires financiers. « Si le FMI accepte de signer, c’est qu’il a bon espoir que le Sénégal va pouvoir retrouver une trajectoire vertueuse concernant la gestion des finances publiques », explique-t-il. L’enjeu pour le Sénégal est d’atteindre la stabilité financière et la croissance sans dépendre de l’aide directe. Dr Ibrahima Gassama, économiste sénégalais résidant au Canada, partage cette analyse, insistant sur l’enjeu numéro un : la crédibilité. « Le débat ne porte plus seulement sur la capacité de payer à court terme, mais sur la fiabilité des chiffres publics et la discipline budgétaire de l’État », souligne-t-il. Un programme sans décaissement, qu’il prenne la forme d’un Instrument de Coordination des Politiques (ICP) ou d’un Programme de Suivi, joue un rôle de label de rigueur. Il fixe des repères chiffrés (déficit, arriérés), impose des règles de gouvernance et prévoit des audits. « Même sans apport d’argent immédiat, l’État rassure les marchés et les partenaires, abaisse son coût d’emprunt à moyen terme et retrouve une prévisibilité indispensable », précise Dr Gassama. La mission actuelle vise d’ailleurs à arrimer un nouveau cadre de suivi aux correctifs demandés après l’épisode de sous-déclaration, notamment une meilleure consolidation des dettes des entreprises publiques et l’arrêt des pratiques hors procédure.

Pas de « diktat » du FMI

Concernant les négociations, Moubarack Lô écarte l’idée d’un « diktat ». « Personne ne peut imposer un diktat au Sénégal », assure-t-il. Chaque partie expose ses vues : le Sénégal présentera son plan de redressement et de gestion des finances publiques, et le FMI fera des suggestions. Dr Gassama renchérit : « Le FMI ne peut pas imposer des politiques ex nihilo : il négocie des repères que le pays choisit d’endosser. La souveraineté demeure dans la définition des priorités nationales. » Les discussions visent à trouver un consensus pour sortir le pays de la crise.