
Confronté à des besoins multiples et à des marges budgétaires restreintes, l’État sénégalais s’apprête à opérer des choix délicats en matière d’investissements publics dans le cadre du budget 2026. Lors du vote de la loi de finances initiale, le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, a insisté sur la nécessité d’une hiérarchisation rigoureuse des priorités, rappelant que « gouverner, c’est choisir ». Dans un contexte qu’il qualifie d’exigeant, le ministre a expliqué que l’action publique doit désormais distinguer clairement entre ce qui est urgent, ce qui est important et ce qui est prioritaire. Selon lui, l’État est tenu de procéder à une priorisation stricte des dépenses, fondée à la fois sur l’impact réel des politiques publiques, l’équité territoriale et la soutenabilité financière. C’est dans cet esprit, a-t-il précisé, que les allocations budgétaires inscrites dans la loi de finances 2026 ont été arrêtées avec prudence, à l’issue d’arbitrages qualifiés de rigoureux. Le budget de l’année 2026 est arrêté à 6 188,8 milliards de francs CFA, avec un déficit projeté à 5,37 % du produit intérieur brut. Ces chiffres traduisent, selon les autorités, la volonté de concilier les impératifs de relance économique avec la maîtrise des équilibres macroéconomiques, dans un contexte marqué par un endettement élevé et des contraintes de financement accrues. Pour l’expert en infrastructures, énergie et politiques publiques, Moustapha Diakhaté, la priorité devrait toutefois être accordée à l’investissement public, qu’il considère comme le principal levier de relance de l’économie sénégalaise. Il estime que les défis majeurs du pays résident dans la capacité à investir durablement pour l’avenir, notamment dans les infrastructures, l’éducation, l’enseignement supérieur, la santé et les équipements sociaux de base. Selon lui, une remise en ordre des finances publiques est nécessaire afin de dégager des marges susceptibles d’impacter positivement l’investissement public, en particulier dans les infrastructures. Moustapha Diakhaté souligne l’importance de maintenir un niveau élevé d’investissements, qu’il associe à la dynamique engagée par le passé, notamment sous l’impulsion de l’ancien président Abdoulaye Wade. À ses yeux, l’investissement réalisé aujourd’hui constitue le socle de la croissance de demain, d’autant plus que le Sénégal se caractérise par une population majoritairement jeune, estimée à environ 70 %. Il insiste ainsi sur la nécessité de préserver le rythme et le volume des investissements publics afin de favoriser le désenclavement des zones intérieures du pays et de réduire les disparités territoriales. L’expert plaide également pour un ciblage accru des investissements vers des secteurs à fort potentiel de création d’emplois, tels que l’industrialisation, l’agro-industrie, l’artisanat et le tourisme. Il estime par ailleurs que la relance ou le renforcement des filets sociaux demeure indispensable pour atténuer les effets des difficultés économiques sur les couches les plus vulnérables de la population. Parallèlement aux contraintes internes, le Sénégal fait face à des discussions complexes avec ses partenaires financiers. Le ministre des Finances a révélé que des négociations « très difficiles et très compliquées » sont en cours avec les bailleurs de fonds, notamment le Fonds monétaire international. Ces échanges sont rendus plus délicats par la question de la dette dite cachée, le FMI allant jusqu’à exiger des certifications supplémentaires, selon Cheikh Diba. Malgré ces obstacles, le ministre se veut résolument prudent mais confiant. Il reconnaît que la situation actuelle est difficile, tout en affirmant qu’elle reste récupérable. Pour lui, il s’agit de transformer les contraintes en opportunités, estimant que le pays n’a pas d’alternative face à ces défis. Le facteur temps demeure toutefois déterminant, dans un contexte où les marges de manœuvre se réduisent. Moustapha Diakhaté, pour sa part, rappelle que l’horizon est étroit, évoquant un délai d’environ trois ans pour produire des résultats tangibles. À défaut d’une croissance suffisamment impactante à l’horizon 2028-2029, avertit-il, le pays pourrait faire face à des sanctions économiques et financières. Dans ce contexte, les choix opérés dans le budget 2026 apparaissent comme déterminants pour l’orientation future de l’économie nationale.