ywAAAAAAQABAAACAUwAOw== - Senenews - Actualité au Sénégal, Politique, Économie, Sport

Depuis plusieurs mois, Ousmane Sonko martèle que le Sénégal n’ira pas vers une restructuration de sa dette extérieure. Le chef du gouvernement insiste sur le fait qu’une telle décision serait une humiliation nationale, un aveu de fragilité financière et un renoncement à la souveraineté économique. Ces déclarations, faites lors de rassemblements politiques très suivis, s’inscrivent dans une ligne de fermeté : le Sénégal honorera ses engagements et ne se soumettra pas aux injonctions du FMI. Mais alors que ce discours vise à rassurer l’opinion publique, les signaux techniques, eux, racontent une tout autre histoire. L’économie sénégalaise fait aujourd’hui face à une accumulation de tensions budgétaires visibles. Les délais de paiement s’allongent, les opérateurs économiques constatent des décalages inhabituels et la dette intérieure atteint un niveau où les banques locales, déjà fortement exposées, n’ont plus la capacité d’absorber les retards. La machine financière tourne à flux tendu, au rythme d’une trésorerie publique qui peine à suivre les échéances. Dans un tel contexte, les États finissent toujours par s’orienter vers la même issue : la renégociation de leur dette. Le gouvernement tente de maintenir une posture de résistance, soutenant que des sacrifices temporaires, une meilleure mobilisation des ressources internes et une réduction drastique des dépenses de fonctionnement suffiront à stabiliser les finances publiques. Mais cette stratégie se heurte à la réalité des chiffres et à la pression grandissante des partenaires financiers. Même les institutions internationales, d’ordinaire prudentes dans leurs communications, agissent désormais comme si la restructuration était déjà à l’agenda.

Des signaux institutionnels qui contredisent le discours politique

Le Fonds monétaire international vient de confier le dossier sénégalais à Mercedes Vera Martin, experte chevronnée en supervision des processus de restructuration. Le simple fait que cette économiste soit nommée au pilotage des relations avec Dakar est un signal que personne ne peut ignorer. Elle a précédemment dirigé la mission du Fonds en Zambie, un pays qui a connu une restructuration complexe avant de parvenir, récemment, à un accord global avec ses créanciers. L’arrivée de Mercedes Vera Martin au Sénégal, en remplacement d’Edward Gemayel après quatre ans de mission, n’a rien d’une permutation anodine. Elle témoigne d’une mobilisation technique du FMI pour accompagner un pays qui entre objectivement dans une phase critique. Pendant que le discours politique sénégalais continue de nier toute perspective de restructuration, les marchés, eux, ont déjà tranché. À chaque sortie d’Ousmane Sonko sur la dette, les eurobonds s’effritent nettement, reflétant une perte de confiance immédiate. Les investisseurs interprètent ces déclarations comme un refus d’affronter la situation réelle, ce qui accroît l’incertitude et diminue la valeur des obligations. Les marchés n’écoutent pas les slogans : ils analysent les comptes, les tendances et les risques. Et tous les indicateurs convergent vers la même conclusion. Les médias financiers internationaux, réputés pour leur prudence, annoncent désormais que la restructuration n’est plus une hypothèse mais une échéance. Des sources financières internes relayées par la presse anglo-saxonne estiment que les négociations pour un moratoire, puis pour une restructuration, pourraient s’intensifier dès le second trimestre de 2026. Si rien ne change d’ici là, le Sénégal devra emprunter 25 % de plus en 2026 que ce qu’il a été capable de mobiliser jusqu’ici, ce que les analystes jugent impossible. Le pays a déjà épuisé une grande partie de ses marges sur le marché régional, levant près de 650 milliards de francs CFA, qui s’ajoutent à une dette intérieure massive. À moyen terme, toutes ces sommes devront être remboursées. À défaut, restructurées.

Un glissement inévitable vers la renégociation

Dans les couloirs des institutions financières, l’idée s’impose : le Sénégal n’a plus les marges suffisantes pour éviter une renégociation. Les choix fiscaux, l’absence d’accord formel avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux, ainsi que la dégradation progressive des indicateurs macroéconomiques, mènent vers une seule trajectoire. Le pays peut bien retarder l’annonce, travailler sa communication, minimiser les risques : la dynamique économique suit son propre cours. L’arrivée de Mercedes Vera Martin au pilotage des discussions avec Dakar confirme cette orientation. Son expérience en Zambie, où elle a dirigé le processus de restructuration dans une situation comparable, lui confère une expertise qui sera précieuse. Le FMI ne déploie pas ce type de profil si un pays est en situation de simple « pression budgétaire ». Il le fait lorsqu’il anticipe une opération complexe, politique et technique, exigeant un niveau élevé de coordination avec les créanciers. Face à cela, les dénégations officielles apparaissent de plus en plus comme une tentative de gagner du temps. Les décisions politiques les plus bruyantes ne sont pas toujours les plus déterminantes. Les investisseurs, eux, se fient aux chiffres. Les partenaires techniques ajustent leurs équipes. Et chaque élément nouveau, chaque geste institutionnel, chaque évolution du marché rapprochent inexorablement le Sénégal de la restructuration qu’il refuse encore de nommer. Dans quelques mois, il ne s’agira plus de savoir si le Sénégal veut restructurer, mais comment il s’y prendra. Le discours politique peut encore repousser l’échéance symbolique. Mais la trajectoire financière, elle, est déjà tracée. Le pays s’avance vers la restructuration, non par choix, mais par nécessité.