Le 10 octobre, l’agence Moody’s Ratings a abaissé la note de crédit du Sénégal, la faisant passer de B3 à Caa1, tout en maintenant une perspective négative. Ce déclassement, qui place désormais le pays dans la catégorie des investissements spéculatifs à haut risque, traduit les difficultés économiques croissantes auxquelles fait face le Sénégal. Mais quelles en sont les conséquences concrètes pour l’État et ses citoyens ? Est-ce aussi alarmant qu’il n’y paraît ?
Une dette publique jugée trop lourde
Au cœur de la décision de Moody’s se trouve la hausse du ratio d’endettement, désormais estimé à 119 % du PIB en 2024, contre 107 % dans les prévisions de février. Ce niveau, l’un des plus élevés parmi les économies émergentes, rend les efforts d’assainissement budgétaire particulièrement ardus. Selon l’agence, la médiane des pays notés B se situe à 283 % des recettes publiques, contre 581 % pour le Sénégal, un écart qui témoigne d’une dépendance excessive aux emprunts. Le pays s’appuie notamment sur le marché régional de l’UEMOA, où les taux d’intérêt oscillent entre 6,75 % et 7,75 %, alourdissant encore la charge de la dette. Pour les Sénégalais, cette situation se traduit par une pression accrue sur les finances publiques. D’ici 2026, les paiements d’intérêts devraient absorber 27 % des recettes de l’État, réduisant d’autant les marges pour financer l’éducation, la santé ou les infrastructures. La compression des investissements publics, déjà observable au premier semestre 2025, menace de ralentir la croissance, prévue à 6,9 % en 2024, mais susceptible de fléchir si les contraintes budgétaires se renforcent.
Des tensions de liquidité et un horizon incertain
Les inquiétudes de Moody’s s’appuient aussi sur la lenteur des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour la mise en place d’un nouveau programme d’appui budgétaire. Initialement attendu en juin, cet accord tarde à se concrétiser. Or, il est crucial pour débloquer des financements concessionnels et rassurer les investisseurs. En son absence, le Sénégal est contraint de recourir davantage au marché régional, plus coûteux et restreint. L’agence prévient qu’un retard prolongé pourrait accroître le risque de restructuration de la dette, impliquant les créanciers privés — un scénario qui renforcerait les craintes d’un risque de défaut. Pour les citoyens, cela pourrait se traduire par une hausse des coûts des services publics ou une stagnation des projets d’infrastructures, tels que les routes ou l’électrification rurale, alors que seuls 74 % des ménages disposent de l’électricité. Dans un marché du travail où 70 % des emplois restent informels, un ralentissement économique aggraverait encore la perte de pouvoir d’achat des ménages.
Une situation grave, mais pas désespérée
La dégradation de la note souveraine est un signal d’alerte sévère : elle traduit une vulnérabilité croissante des finances publiques. Les besoins de financement bruts, estimés à 26 % du PIB en 2025 et 2026, exposent le Sénégal à des chocs externes — comme une baisse de confiance des investisseurs régionaux ou un relâchement de la discipline budgétaire au sein de l’UEMOA. Les insuffisances de transparence budgétaire, mises en lumière par plusieurs audits, ont aussi pesé sur la décision de Moody’s. Cependant, tout n’est pas sombre. L’ancrage du franc CFA à l’euro, garanti par la Banque de France, limite les risques de change et de déséquilibre extérieur. Par ailleurs, le gouvernement sénégalais prévoit de ramener le déficit budgétaire à 7,8 % du PIB en 2025, contre 12,8 % en 2024, grâce à des réformes fiscales et à un Plan de relance économique et social. Moody’s estime que la conclusion d’un accord avec le FMI d’ici mi-2026 pourrait stabiliser la situation financière et rétablir la confiance des marchés, ouvrant la voie à des financements à des conditions plus favorables.