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Les médias traversent une période difficile, marquée par le blocage des comptes de certaines entreprises de presse. Toutefois, ce sont surtout les travailleurs qui en pâtissent. C’est notamment le cas chez E-média, où cela fait maintenant cinq mois que ces hommes et femmes, fidèles et dévoués à l’entreprise, sont confrontés à des retards de paiement compromettant leur bien-être et celui de leurs familles. Une situation plus qu’embarrassante pour ces travailleurs qui portent de lourdes charges, surtout en cette période où le coût de la vie ne cesse d’augmenter. SeneNews a rencontré quelques employés d’E-média Invest, qui se sont confiés sur la situation qu’ils vivent. L’une des conséquences majeures qui dévalorise le secteur de la presse est la précarité des professionnels des médias au Sénégal. Syndicats et associations de presse ne cessent de rappeler aux employeurs leurs obligations vis-à-vis du personnel, celui-là même qui fait fonctionner leurs entreprises. Ces travailleurs déplorent tout au long de l’année leurs mauvaises conditions de travail et des salaires dérisoires qui les relèguent au rang des miséreux. Au groupe E-média Invest (ITV, iRadio, Bes Bi), les employeurs justifient cette situation par « la conjoncture socio-économique » qui frappe le secteur et qui « place tous les médias dans une posture difficile, exacerbée aujourd’hui par un gel des activités dans de nombreuses structures partenaires ». Selon la direction, cette situation de gel entraîne un retard dans les paiements et un cumul des salaires impayés. Cependant, pour les délégués syndicaux, ces explications ne sont qu’une diversion qui masque le véritable problème. Le secrétaire général du Syndicat des travailleurs Synpics – E-média, Mouhamed Kandji, qualifie cette situation de « déplorable et dommageable pour un groupe comme E-média Invest qui, après six ans d’existence, a réussi à s’imposer dans l’espace médiatique au Sénégal. C’est un groupe porté par des jeunes passionnés par leur métier et dévoués ». Aujourd’hui, des cadreurs, des caméramans, des maquilleuses et des journalistes sont restés cinq mois sans salaire, surtout en cette période de campagne électorale, où le rôle des médias est crucial pour faire grandir la démocratie. La situation du groupe E-média est déplorable et aurait dû être évitée.

L’alerte lancée dès les premières failles de la boîte

En tant que secrétaire général du syndicat, M. Kandji informe avoir alerté la direction dès les premières failles du groupe. « Il y avait deux solutions : soit désamorcer la bombe, soit rester sans réaction et attendre qu’elle explose. Mais malheureusement, la direction générale n’a pas su désamorcer la situation à temps et, pire encore, elle n’a même pas limité les dégâts. Dans ce lot de travailleurs, certains sont restés pendant un an sans prendre de congé. Si les gens sont aujourd’hui à leur troisième semaine de grève, c’est parce que la situation est vraiment difficile. Beaucoup ne peuvent même pas regagner leur lieu de travail faute d’argent pour le transport. Certains ont des difficultés à payer leur loyer, à subvenir aux besoins quotidiens de leur famille. Cette situation dure depuis 2020, après la pandémie de COVID-19, avec des retards de salaires. Mais maintenant, certains ont décidé de suspendre leurs activités sur les différents supports », déclare le journaliste. L’avenir semble très incertain pour la direction générale d’E-média Invest. Les travailleurs, quant à eux, exigent le paiement des arriérés de salaires accumulés, conformément à la législation du travail. En réalité, cette crise met en lumière les difficultés rencontrées par la presse privée au Sénégal, souvent confrontée à des tensions financières malgré son rôle clé dans une démocratie viable. Elle se situe également dans un contexte de fortes tensions entre l’État et les organes de presse concernant la dette fiscale.

« Le problème d’E-média a démarré avec le régime de Macky Sall en 2020 »

Les causes des difficultés d’E-média sont multiples. Selon les syndicalistes, lorsque la direction générale leur explique les raisons de cette situation, les autorités répondent que la situation est devenue compliquée. En effet, « nous n’avions pas de publicités. En plus, il y a un blocage des conventions signées avec l’ancien régime. Selon la direction, l’ancien régime doit 201 millions de FCFA au groupe. Mais notre problème a réellement commencé avec le régime de Macky Sall en 2020. Des erreurs ont été commises dès le départ, notamment concernant le loyer, qui était très coûteux. Nous avons maintenant déménagé à la cité Keur Gorgui. Les choix stratégiques faits n’étaient pas bons, et les médias publics captent toute la publicité », expliquent les travailleurs. Ils rappellent aussi qu’ils ont toujours privilégié le dialogue, étant en contact direct avec la direction. Mouhamed Kandji assure que les travailleurs se rencontrent fréquemment pour tenter de trouver une solution ensemble. « Nous sommes conscients que nous sommes dans le même bateau. Il y a aussi l’appui de bonnes volontés, comme le professeur Mbaye Thiam, ancien directeur d’Ebad et directeur du CESTI. La seule condition pour reprendre le travail est le paiement des salaires pour ces cinq mois. Nous voulons retourner au travail, mais les frais de transport manquent », précise-t-il. En outre, le salaire des journalistes n’est pas élevé et il y a la famille à nourrir. Un journaliste déclare : « C’est une situation difficile qui touche notre dignité. Les gens vont vous entendre à la radio mais ignorent que vous vivez l’enfer. Au niveau des bailleurs, il faut payer avant le 10 du mois, car ils ne peuvent pas patienter. Le code du travail stipule que l’employeur doit payer l’employé avant le 8 de chaque mois. Nous avons rejoint cette boîte car ils nous ont vendu un rêve, celui d’être un acteur majeur du secteur, parmi les meilleurs du pays et de la sous-région. Cette grève n’est qu’une réclamation de nos droits pour pouvoir subvenir à nos besoins et travailler dans des conditions décentes. »

La volonté manifeste des travailleurs de reprendre le travail

Dans le même esprit que son confrère, Sofia Ba persiste sur le fait que la situation actuelle à E-média est un grand regret pour toute l’équipe, notamment pour les travailleurs qui n’ont qu’une seule envie : reprendre les activités. Certes, reconnaît-elle, ce retard de salaire est dû à plusieurs facteurs, mais, souligne-t-elle, « notre but n’est pas de chercher des coupables, mais de nous battre pour le respect de nos droits les plus élémentaires, car le salaire est une question de dignité ». Effectivement, comme les syndicalistes, la journaliste confirme que des discussions ont déjà commencé entre les employés et les employeurs, et elle espère qu’un terrain d’entente sera trouvé dans les plus brefs délais. Sofia Ba n’a pas manqué de souligner les conditions extrêmement difficiles auxquelles ils sont confrontés. « Pour la plupart d’entre nous, nous exerçons notre métier avec passion, et cette passion fait partie de notre identité. Nous avons été contraints d’arrêter nos activités, n’ayant plus les ressources nécessaires pour continuer. » Tout ce que les travailleurs d’E-média réclament, ce sont les cinq mois de salaires impayés. Très impliqués et passionnés par leur travail, ces employés sont prêts à reprendre leurs fonctions si un geste significatif est fait par les dirigeants de l’entreprise. Voici où se situe leur volonté de résoudre ce différend.