En vue d’attirer l’attention de nos Administrations fiscales sénégalaises sur les possibles érosions de la base d’imposition fiscales (Bases Erosion and Profit Shifting : BEPS), résultant d’une mauvaise évaluation des prix de transfert pratiqués par les entreprises multinationales. Notamment du fait de l’asymétrie d’information entre notamment les pays du centre et ceux de la périphérie, les prix de transfert de certains composants sont sous-évalués ou sur-évalués dans les transactions commerciales intergroupes. En effet, du fait des défis fiscaux portant sur les actifs incorporels protéiformes, dont les profits des entreprises de l’économie numérique (les prestations en ligne), difficiles à évaluer, pouvant entrainer des contentieux fiscaux, en ma qualité de sentinelle, il est de bon ton, d’être proactif, en martelant les lieux communs relatifs aux cinq (5) approches du Principe de Pleine Concurrence (PPC) en matière de prix transfert, fournis par l’Organisation de Coopération et de développement économiques (OCDE). Ceci nonobstant les trois
- approches unifiées du droit d’imposition de
Partant, en vue d’éviter une non conformité d’une décision fiscale de nos Administrations fiscales sénégalaises aux cinq (5) règles de la Pleine Concurrence, applicables aux prix de transfert, édictées par L’OCDE, il importe de rappeler en l’occurrence :
- L’objet du Principe de la Pleine Concurrence
- La taille du Principe de la Pleine Concurrence
- Les limites du Principe de la Pleine Concurrence
Suivant la définition de L’OCDE, les prix de transfert sont : “Les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées.” (source : BOFIP, Bulletin Officiel des Finances publiques-Impôts). En d’autres termes, force est de dire que les prix de transfert se résument aux transactions commerciales intergroupe. Excluant les échanges internationaux entre sociétés indépendantes et les transactions intragroupes sans passage de frontière. En tant que tel, nous rappelons la notion de groupe avant de présenter le Principe de Pleine Concurrence (PPC). Notion de Groupe En substance, un Groupe est un lien de dépendance entre des entreprises génératrice de trésorerie. Deux entreprises sont dépendantes et appartiennent à un même groupe, si l’une d’elles participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital de l’autre. Mais aussi, si les deux (2) entreprises sont détenues ou influencées par une même entité. Ce lien s’apprécie juridiquement et de fait.
- – Définition du Principe de Pleine Concurrence
Le Principe de Pleine Concurrence impose, que les prix appliqués entre entreprises liées, soient similaires à ceux appliqués entre entreprises indépendantes, opérant dans des conditions comparables. Ce qui évite le transfert artificiel de bénéfices vers des juridictions à faible imposition et pouvant entrainer une érosion des bases fiscales des pays où l’activité économique réelle est réalisée. A ce titre, l’article 9, paragraphe 1 de la Convention Modèle de L’OCDE précise : “Lorsque les deux (2) entreprises associées sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pas pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.”
- – L’étendue du Principe de Pleine Concurrence
Tour à tour, nous exposons ci-dessous la concordance et les approches de détermination des prix de transfert, conformément au Principe de Pleine Concurrence.
- – Analyse de la comparabilité
L’application du Principe de Pleine Concurrence invite à une analyse de la comparabilité qui comprend :
- – Analyse fonctionnelle : Évaluation des rôles, des risques et actifs impliqués dans la transaction
- – Analyse Économique : Comparaison des prix pratiqués avec ceux observés sur le marché pour des transactions similaires
- – Méthodes de détermination des prix de
- – Méthodes traditionnelles
- La méthode du prix comparable sur le marché libre : Comparable uncontrolled Price (CUP), basée sur le profit, elle repose sur la comparaison avec des prix dans des transactions indépendantes
- La méthode du coût majoré (Cost plus) : C’est à dire prix fixé en ajoutant une marge au coût de production ou d’acquisition.
- Méthode du prix de revente (Resale Price) : Invite à baser le prix sur la revente d’un produit avec ajout d’une marge bénéficiaire.
- – Méthodes transactionnelles
- Méthode de la marge nette : Transactional Net Margin Method (TNMM), porte sur une analyse de la marge nette réalisée sur les transactions
- Méthode du partage des bénéfices (Profit Split) : Consiste à la répartition des bénéfices entre les parties en fonction de leurs contributions
Il est à noter que chaque méthode doit être choisie en fonction de la transaction spécifique, ceci à l’aide de critères de choix explicités et justifiés dans la documentation de fixation des prix de transfert.
- – Les limites et défis du Principe de Pleine Concurrence
La grande difficulté à laquelle, les Administrations fiscales sont confrontées, porte sur :
- Des référentiels fiables
- La variabilité des modèles économiques
- Les résistances posées par les Actifs numériques immatériels
- – Recherche de comparables pertinents
En pratique, il est souvent difficile de trouver des transactions similaires pour établir des comparables, notamment pour des produits ou services très spécifiques ou pour des actifs intangibles dont la propriété intellectuelle. Cette difficulté est particulièrement marquée dans les pays en développement, où les données de marché sont rares et les Administrations Fiscales manquent souvent de ressources pour effectuer des analyses approfondies.
- – Complexité des modèles économiques
Les méthodes traditionnelles de détermination des prix de transfert peuvent ne pas refléter fidèlement la réalité économiques des transactions intra-groupes en raison de la complexité croissante des entreprises multinationales. Par ailleurs, certaines considérations économiques remettent en question l’utilité du Principe de Pleine Concurrence dans le contexte où les groupes multinationaux fonctionnent comme des entités intégrées, plutôt comme une collection d’entités indépendantes. Cette situation est exacerbée par le développement rapide de l’économie numérique, introduisant de nouvelles dynamiques dans la formation des prix de transfert.
- – Défis posés par les actifs numériques intangibles
Les règles traditionnelles de prix de transfert sont souvent inadaptées pour les transactions impliquant des actifs numériques et immatériels, tels que les brevets, les marques, les logiciels ou les données. Ces actifs, au Cœur de l’économie numérique, posent des défis uniques en matière d’évaluation et de localisation. C’est ainsi par exemple, le Principe de Pleine Concurrence, exigeant que les transactions intra-groupes soient réalisées au conditions du marché, est difficile à appliquer lorsque les comparables de marché sont rares ou inexistants. Les régulateurs ont reconnu ces défis, et plusieurs pays , dont les États-Unis et l’Union Européenne, ont introduit des directives spécifiques pour encadrer les prix de transfert des actifs numériques en 2024. Ces directives des services incluent des méthodes d’évaluation ajustées pour mieux refléter la valeur économique de ces actifs et règles spécifiques pour les transactions impliquant des services numériques.
- – Risque de double imposition
Les ajustements fiscaux réalisés par un pays peuvent ne pas être reconnus par d’autres juridictions, entrainant des litiges prolongés et coûteux pour les entreprises. Pour atténuer ce risque, les Accords préalables en matière de prix de transfert et la Procédure à l’Amiable (APA) et les mécanismes de règlement des différends proposés par L’OCDE sont des solutions de plus en plus populaires. Les APA permettent de sécuriser les prix de transfert en amont, en définissant clairement les critères de leur détermination en accord avec les Administrations fiscales concernées
- – Renforcement des réglementations et des exigences de transparence En vue d’exalter la clarté des règles, nous ne pouvons faire l’économie de :
– La réglementation et les exigences de transparence suivant lesquelles, le renforcement des réglementations, comme les nouvelles directives introduites dans le projet de loi de Finances pour 2024 en France, vise à améliorer la transparence fiscale. L’OCDE, avec son projet Bases Erosion and Profit Shifting (BEPS), pousse également pour une plus grande transparence, en imposant des normes telles que la déclaration pays par pays dite aussi Country-by Country Reporting (CbCR). Cette nouvelle réglementation oblige les multinationales à fournir des informations détaillées sur leurs activités économiques, revenus, impôts payés et employés dans chaque juridiction où elles opèrent. En 2024, ces exigences sont devenues plus strictes, avec une mise en conformité accrue des pays membres, rendant la surveillance des prix de transfert plus rigoureuse et limitant les possibilités de transfert artificiel de bénéfices vers des juridictions à fables imposition. Le Principe de Pleine Concurrence applicable aux prix de transfert Par Thiémoko Sory DIAKITÉ – Directeur de Competenceplus78 Membre de Pastef et de la Commission justice du MONCAP France