La dette publique du Sénégal a connu une hausse significative sous l’œil attentif du Fonds Monétaire International (FMI). Selon l’institution de Bretton Woods, la dette publique a doublé depuis 2012. Passant de 30 %, elle a grimpé pour atteindre 60 % du produit intérieur brut (PIB). Cette évolution s’explique, selon le FMI, par les nombreuses dépenses engagées dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE). Dans ce contexte, le FMI avait recommandé au gouvernement de Macky Sall de freiner les dépenses publiques et d’accélérer le recouvrement des recettes. Cela devrait constituer un signal fort pour Bassirou Diomaye Faye puis que le Sénégal comme bon nombre de pays sont souvent sous l’emprise des institutions financières internationales qui influencent leur avenir. Dans un monde où l’autonomie économique est le moteur du progrès, l’Afrique reste souvent en retrait. Au Sénégal, malgré des ressources naturelles et humaines de qualité, le pays de Senghor demeure tributaire des politiques économiques dictées par le FMI. Bien que le FMI apporte un soutien financier crucial, il impose souvent des conditionnalités qui peuvent aller à l’encontre des intérêts à long terme des pays africains. Cependant, si le Sénégal fait appel au FMI, il conserve un droit de regard sur certaines de ses ressources. Il y a donc un dialogue, bien que ce dernier crée souvent un cercle vicieux de dépendance, où les décisions économiques clés sont prises à l’extérieur du continent, sans tenir compte des réalités locales et des aspirations des populations africaines. Si les gouvernants se concentrent uniquement sur l’équilibre des ressources publiques et le remboursement de la dette, au point de freiner la machine économique et le développement de la chaîne de valeur, alors ce sont les recommandations du FMI qui posent problème. Le prix à payer à long terme pourrait s’avérer trop élevé.
Le point sur la pertinence des recommandations du FMI
Il appartient à l’État d’évaluer la pertinence et la cohérence des conditions imposées par le FMI en fonction de sa propre stratégie. Il doit déterminer si ces recommandations sont en phase avec sa vision ou si elles entravent le chemin du développement économique. Lorsque le FMI émet des recommandations, il cherche avant tout à garantir la viabilité du remboursement de la dette publique vis-à-vis des institutions financières. À ce propos, l’économiste Meissa Babou souligne la relation étroite entre le FMI et le Sénégal. Selon cet enseignant-chercheur à l’UCAD, « il faut d’abord comprendre que la mission du FMI et de la Banque Mondiale est de financer les économies et les pays membres, qu’ils soient africains ou européens ». Meissa Babou ajoute : « Le deuxième aspect, c’est le contrôle des agrégats, c’est-à-dire le niveau d’endettement, le déficit budgétaire, et le taux de croissance. Ainsi, en fonction de ces indicateurs, le FMI et la Banque Mondiale se positionnent comme des bailleurs ayant le droit de surveiller les finances publiques pour garantir le remboursement. Cette position leur permet de dialoguer avec les pays pour examiner l’évolution des finances publiques, les rentrées d’argent, qu’il s’agisse de ressources fiscales comme au Sénégal, ou pétrolières ailleurs, afin d’évaluer la capacité d’endettement et de remboursement ». À un certain niveau d’endettement, le FMI intervient pour exiger la suppression de certaines subventions et la révision des prévisions budgétaires. En avril dernier, par exemple, le FMI a demandé au Sénégal de revoir le budget 2024, qui ne devait pas être financé par les recettes issues de l’exploitation du pétrole. Le FMI considère en effet que les recettes attendues de l’exploitation du pétrole ne seront pas au rendez-vous. Les espoirs de revenus qui devaient soutenir le budget 2024, avec des recettes additionnelles importantes, se sont ainsi envolés. Le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle, publié en juillet 2022, indiquait que le Sénégal devrait accumuler 888 milliards FCFA de recettes issues de l’exploitation du pétrole sur la période 2023-2025, réparties ainsi : « 59 milliards en 2023, année de démarrage de la production, puis 327 milliards en 2024, et enfin 501 milliards en 2025. »
L’autofinancement, une nécessité pour un avenir autonome
Toutes ces prévisions optimistes sont tombées à l’eau. Dans ses interventions, le FMI ne prend pas en compte la portée sociale de ses décisions. Ce qui prime pour lui, c’est l’aspect financier. La survie économique d’un peuple lui importe peu. « Le Sénégal a subi les effets de cette politique », déclare Meissa Babou. Il rappelle que « la subvention des internats dans les lycées a été supprimée par le FMI, tout comme la centrale d’achat d’arachide du Sénégal ». Le contrôle des prix, autrefois assuré par la Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix, a également été aboli à la demande du FMI, laissant les commerçants libres d’importer et de vendre à leurs prix. Aujourd’hui, le quotidien des Sénégalais est marqué par ces décisions, tandis que l’État, contraint par une dette colossale, subit le diktat de cette institution financière. Il est donc impératif que le Sénégal prenne conscience de son potentiel et de sa capacité à tracer son propre destin économique. Pour parvenir à cette autonomie, les nouvelles autorités doivent renforcer leurs capacités institutionnelles et leur gouvernance économique afin de formuler et de mettre en œuvre des politiques adaptées aux besoins spécifiques du pays. Le gouvernement doit encourager et soutenir l’entrepreneuriat local, l’innovation et le développement des secteurs-clés tels que l’agriculture, l’industrie et les technologies de l’information et de la communication. En outre, les partenariats régionaux et continentaux doivent être renforcés pour favoriser l’intégration économique et commerciale intra-africaine, permettant ainsi aux pays du continent de tirer parti de leur marché intérieur dynamique et de diversifier leurs économies. Enfin, les dirigeants doivent promouvoir une culture de responsabilité et de transparence dans la gestion des ressources publiques, afin de garantir que les bénéfices du développement économique profitent à l’ensemble de la population, en particulier aux plus vulnérables.