C’est un secret de Polichinelle que tout va mal à la compagnie aérienne nationale, Air Sénégal, créée en 2017. Depuis sa création, la compagnie s’enlise dans les problèmes. Devenue une source de déception, Air Sénégal perd également de la crédibilité aux yeux de ses partenaires et de ses clients. Boycottée par des passagers ulcérés par des retards interminables et un service client désastreux, entravée par des errements stratégiques et managériaux, sujette à des problèmes récurrents de flotte, comment la compagnie peut-elle redresser la barre ? Le président Bassirou Diomaye Faye, qui vient de désigner un nouveau directeur général, pourra-t-il préserver le pavillon imaginé par Macky Sall ? Le défi est presque infranchissable, car les problèmes semblent s’aggraver de jour en jour au sein de cette compagnie. Les axes Milan, Barcelone, New York, Abidjan, entre autres lignes, sont déjà desservis par Air Sénégal, mais les signes avant-coureurs d’un crash imminent se multiplient.
L’espoir brisé des Sénégalais
Entre l’amour et la haine, il n’y a qu’une petite ligne, disait un philosophe. Et cela s’applique parfaitement à cette jeune dame qui, malgré son patriotisme économique, est devenue l’une des plus grandes détractrices de la compagnie nationale. « Nous avons vécu un martyre avec cette compagnie pendant 48 heures. On nous faisait attendre sans nous donner de vraies raisons pour expliquer le retard. Le premier jour, nous avons subi 13 heures de retard avant d’être informés que nous serions relogés dans un hôtel à une heure de l’aéroport. Le lendemain, nous avons presque vécu pire à l’aéroport, avec des explications concernant des pièces à changer dans l’avion. Franchement, plus jamais je ne prendrai cette compagnie », explique avec amertume une Sénégalaise en vacances, résidant à Paris. Il y a presque 8 ans, les premiers vols de la compagnie nationale Air Sénégal prenaient leur envol, héritières de Sénégal Airlines, dans un élan d’espoir pour les Sénégalais, réputés grands voyageurs, et pour les autorités désireuses de doter le Sénégal d’une compagnie nationale capable de rivaliser avec les flottes du continent. Pourtant, cette jeune compagnie africaine, aux ambitions démesurées, fait face à d’innombrables difficultés ces derniers mois. Il suffit de consulter les avis des passagers pour s’en rendre compte. La compagnie, qui n’a obtenu qu’une note médiocre de 1,4 sur 5, n’a guère progressé sur Tripadvisor. La colère des passagers est principalement due aux retards fréquents. Sur les sept dernières rotations, la ligne Dakar-Paris a enregistré un retard d’au moins 20 minutes, et parfois jusqu’à 4 heures.
Les raisons d’une crise endémique
La destination Paris n’est qu’un exemple parmi tant d’autres où la compagnie s’est illustrée par un amateurisme flagrant. Les conséquences sont évidentes : les clients se raréfient et la compagnie bat de l’aile. Au cours du mois de septembre, sept destinations seront supprimées. New York disparaîtra du réseau à partir du 19 septembre 2024, suivie de Milan, Libreville, Douala, Barcelone le lendemain. Marseille et Lyon connaîtront le même sort dès le 22 septembre 2024. À la fin du mois, le transporteur n’aura plus de routes en dehors du continent africain, à l’exception de celle reliant Dakar à Paris. Malgré tout, la compagnie continue de prétendre, dans une publicité mensongère, qu’elle veut redynamiser son réseau. Pourtant, les vraies raisons de ces suspensions sont bien connues : une rentabilité insuffisante et une gestion financière laborieuse. Selon une source proche de la compagnie, « Air Sénégal traverse une tension financière sans précédent. Ce sont surtout les coûts de location des appareils qui plombent l’entreprise. Ces locations coûtent excessivement cher, alors que peu de vols sont remplis. Récemment, il a fallu remuer ciel et terre pour obtenir un prêt de plus de 6 milliards de FCFA afin de régler les dettes envers Carlyle Aviation, le partenaire qui loue des avions à la compagnie. » Cette opération a permis d’éviter de justesse une action en justice de la part des tribunaux américains, à l’initiative du fournisseur. Les relations avec tous les partenaires économiques de l’entreprise sont extrêmement tendues. Malgré cette situation critique, les autorités ne baissent pas les bras et tentent de sauver la compagnie Air Sénégal. Le ministre des Transports, El Malick Ndiaye, a déclaré fin août que « l’État du Sénégal se battra pour maintenir la compagnie nationale en vie », tout en reconnaissant la gravité des difficultés que traverse Air Sénégal.