« Je suis stationné depuis 5 minutes parce que l’agent de police me demande 2.000 FCFA. Je fais quoi, je lui donne l’argent et vous me le remboursez à la descente ? » Chauffeur d’un véhicule utilisant l’application Yango, C.S. est en ligne avec son employeur, propriétaire d’une entreprise de transport affiliée à cette application de commande de véhicules. Contraint de corrompre l’agent de police faute de conformité légale, C.S. incarne la situation d’illégalité des chauffeurs Yango. Malgré cette violation de la loi, l’agent de police permettra à C.S. de repartir après avoir reçu l’argent. Bien que Yango ne soit pas encore officiellement reconnu par les autorités, l’application continue d’opérer. Ses courses, en plus de créer une concurrence déloyale avec les taxis traditionnels, intensifient la corruption omniprésente sur nos routes. Immersion dans le cœur du problème. « Ces applications doivent travailler avec nous, les chauffeurs réguliers, pas avec des clandestins et des particuliers. » Cette phrase résume le ras-le-bol des taximen à l’encontre de Yango. Cette nouvelle application innove le monde des transports dans la capitale sénégalaise, où la mobilité est l’une des énigmes sociales, pour ne pas dire vitales, pour les Dakarois. Cependant, la corruption, l’arnaque et l’insécurité sont les maîtres mots de cette plateforme. En réalité, au lieu de se limiter aux taxis reconnus et légaux, Yango enrôle aussi des particuliers. En effet, grâce à l’application Yango, les clients commandent leur trajet en ligne à moindre coût. Les bénéficiaires n’ont besoin que de leur téléphone et d’une connexion Internet pour commander un taxi depuis n’importe quel endroit. Mieux encore, l’application propose aux clients de voir la couleur, le modèle et le numéro de la plaque de la voiture, ainsi que de suivre la progression du véhicule jusqu’à leur position sur l’écran de leur téléphone. Toutefois, il est important de préciser que le prix n’est pas négocié avec Yango, car il est indiqué automatiquement au moment de passer la commande. Cependant, Yango, qui est un service de VTC reliant les utilisateurs aux taxis disponibles, présente des inconvénients, surtout pour les bénéficiaires qui utilisent des voitures particulières. C’est d’ailleurs ce que dénonce un de leurs clients qui s’est confié à SeneNews.
Corruption, insécurité, arnaque : témoignages de quelques clients de Yango
« J’avais fait appel au service de Yango un vendredi matin. Mais grande fut ma surprise lorsque j’ai vu une autre personne assise à l’avant. J’ai fait la remarque au chauffeur, qui m’a expliqué que c’était un conducteur apprenant à maîtriser l’application. Cela m’a paru suspect. À ma descente du véhicule, j’en ai parlé à un ami policier, qui m’a expliqué que les chauffeurs de Yango ont l’habitude de faire cela pour éviter d’être arrêtés par les agents de police. Ce qui ne rassure pas, car cette application doit être réglementée », a expliqué Momar, un homme dans la quarantaine. Un autre usager de Yango a découvert que l’entreprise n’exige pas toujours l’inscription en personne des chauffeurs, ce qui met en danger la sécurité des passagers. Avec leur système d’inscription rapide, révèle Mamadou Tall, « Yango ne prend pas le temps de vérifier l’authenticité des permis de conduire et des cartes grises envoyées ». De ce fait, en déduit l’ingénieur en bâtiment, « cela signifie que n’importe qui peut voler les documents d’un autre chauffeur et s’inscrire sur la plateforme. Imaginez être le client de l’un de ces fraudeurs qui vous kidnapperait après votre course. Comment Yango peut-il vous protéger si leur système ne permet pas d’authentifier les documents des chauffeurs ? Nous exhortons Yango à revoir sa politique d’inscription en ligne et à exiger l’inscription en personne des chauffeurs afin de mieux vérifier leur authenticité et d’assurer la sécurité de leurs clients ». En plus de la non-normalisation et de la traque des policiers, les remarques sur la non-maîtrise de la géolocalisation posent un énorme préjudice aux clients. « J’ai remarqué que leurs chauffeurs ne maîtrisent pas leur géolocalisation, ou celle-ci n’est pas fiable », assène Ndeye Oumou. Étant cliente de Yango depuis bientôt un an, cette jeune femme de 30 ans a également constaté qu’en plus de la corruption sur la route, souvent avec les particuliers, la géolocalisation pose problème. « Imaginez que vous commandez un taxi, et qu’une fois arrivé dans votre quartier, le conducteur ne connaît pas exactement votre localisation. Chaque minute de retard est facturée 100 FCFA par Yango, alors que vous avez bien renseigné votre position. Ce surplus est ajouté au tarif initial au début de votre commande. »
Face à la concurrence de Yango, les taximen expriment leur colère
Même son de cloche pour une autre cliente qui a raté son bus à cause d’un véhicule particulier de Yango. « Je devais me rendre à Liberté 5 pour prendre un bus. Mais à peine dix minutes de route, un agent de police a arrêté le chauffeur. Les négociations ont duré longtemps, car apparemment d’autres conducteurs étaient dans la même situation. Faute de papiers en règle, le trajet a duré environ deux heures. Et le pire, c’est que l’application avait doublé le tarif. Ce que j’ai refusé fermement. Ne voulant pas se retrouver au commissariat à cause du manque de papiers, le chauffeur m’a déposée avec le tarif initial, à contrecœur », raconte-t-elle sa mésaventure. La corruption dans les transports au Sénégal est un mal profond. Il faut payer pour circuler librement. Les chauffeurs des voitures particulières de Yango le savent : pour conduire sur les routes, il y a un prix à payer. Il faut graisser la patte d’une armada de policiers positionnés le long des routes. Le président du regroupement des taxis urbains du Sénégal, Modou Seck, justifie la corruption fréquente sur les routes des véhicules particuliers par leur « non-légalité ». Pourtant, en tant que taximan, il reconnaît que le transport doit être modernisé. À ce titre, Modou Seck rappelle qu’en 2018, « nous avions mis en place une application pour commander des taxis. Ce qui avait eu un impact remarquable jusqu’en 2021. Mais avec la Covid-19, nous avions rencontré des difficultés. C’est d’ailleurs à ce moment-là que des applications comme Yango et Yassir sont apparues ». Or, au lieu de poursuivre dans la dynamique de la légalité, poursuit le président du regroupement des taxis urbains du Sénégal, « cette plateforme a commencé à enrôler des particuliers, et c’est là que nous avons commencé à alerter l’État. Il y a une réglementation dans le milieu du transport, et toute personne qui veut exercer dans ce milieu doit se conformer à ces règles. Or, Yango exploite des particuliers qui ne sont pas autorisés à faire du transport ». Afin de se conformer aux règlements du secteur du transport, l’application Yango doit travailler avec des taxis réguliers, et non avec des clandestins et des particuliers.
Mais de quoi Yango et des sociétés similaires ont-elles besoin pour être en règle ?
En ce qui concerne la normalisation des véhicules Yango, une rencontre a été tenue au ministère des Transports avec les transporteurs ainsi que les services de VTC. Chargé de la communication du ministère des Transports, M. Ka a assuré qu’un processus est en cours afin de trouver une solution adéquate. « D’ici le 15 du mois d’août, un séminaire sera tenu afin de rassembler les conclusions des propositions des différentes parties », a informé M. Ka. Pour que des sociétés de transport comme Yango puissent obtenir les mêmes droits que les taxis traditionnels, plusieurs procédures et réglementations doivent être suivies. Les sociétés doivent d’abord être légalement enregistrées auprès des autorités compétentes de la juridiction dans laquelle elles souhaitent opérer. Elles doivent obtenir une licence spécifique pour le transport de personnes, similaire à celle requise pour les taxis traditionnels. Cette licence peut inclure des vérifications de sécurité et de conformité. Les sociétés doivent s’assurer que tous les conducteurs possèdent un permis de conduire valide et qu’ils passent des vérifications de casier judiciaire et de santé. Les véhicules utilisés doivent répondre aux normes de sécurité et d’entretien imposées par la réglementation locale. Cela peut inclure des inspections régulières et l’adhésion à des standards environnementaux. Les sociétés doivent fournir une assurance adéquate couvrant les passagers, les conducteurs et les véhicules. Cela peut inclure une assurance responsabilité civile, une assurance collision et une assurance contre les accidents. Les sociétés doivent respecter les réglementations locales concernant la tarification, y compris les tarifs de base, les tarifs par kilomètre et les frais supplémentaires. Elles doivent garantir la transparence des tarifs pour les clients, avec des reçus détaillés et des explications claires des coûts. Les sociétés doivent se conformer aux obligations fiscales locales, y compris la déclaration des revenus et le paiement des taxes appropriées. Elles doivent collecter et verser la TVA ou toute autre taxe applicable sur les services de transport.