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C’est l’une des promesses du président Bassirou Diomaye Faye. Les contrats miniers, pétroliers et gaziers vont être renégociés afin qu’ils bénéficient davantage aux populations locales. L’exploitation de deux grands champs gaziers et pétroliers dans les eaux territoriales pourrait rapporter plus d’un milliard d’euros par an, soit plus de 700 milliards FCFA. Le démarrage de l’exploitation des hydrocarbures est attendu cette année au Sénégal, qui dispose aussi de mines d’or, de phosphates et de zircon. Alors, comment le régime en place pourrait utiliser de façon efficiente et intelligente ces recettes issues des ressources naturelles ?

Comment Bassirou Diomaye Faye veut renégocier avec BP, Kosmos et Woodside

Le Sénégal mise sur ces ressources pour réaliser un bond économique, mais les nouvelles autorités sénégalaises estiment que les contrats signés par l’ancien pouvoir sont « très défavorables » au Sénégal. Une affirmation qui a toujours été démentie par le régime de Macky Sall et la plupart des experts du secteur. Or, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a promis de les renégocier et a annoncé parmi ses premières mesures un « audit du secteur minier, gazier et pétrolier ». Seulement, l’économiste Meissa Babou pense qu’avec les contrats déjà signés, l’on ne pourra pas s’attendre à grand-chose aux environs de 750 milliards FCFA. Alors que, renseigne M. Babou, « rien que les émigrés font entrer plus de 1500 milliards FCFA. Cela veut dire donc que les contrats signés sont des contrats que l’on peut qualifier de léonins. C’est-à-dire catastrophique pour le Sénégal ». Avec deux importants projets pétroliers et gaziers Sangomar et Grand Tortue Ahmeyim (GTA) en cours de développement pour une mise en production en 2023 et un troisième (Yakaar Téranga) proche d’une décision finale d’investissement, le Sénégal continue à étoffer son arsenal juridique et institutionnel pour garantir une bonne gouvernance du secteur pétrolier et gazier. Les décisions prises en ce moment seront décisives pour que les citoyens sénégalais puissent bénéficier significativement de l’exploitation du pétrole et du gaz.

Les recettes du pétrole pour le nouveau régime

Et si l’on prend l’exemple des pays comme le Qatar ou la Libye, l’Arabie Saoudite ou l’Iran, on se rend compte que c’est le pétrole qui leur donne l’essentiel des dépenses économiques et sociales. La Libye a épuisé les recettes pétrolières pour des logements sociaux gratuits avec des bourses pour tous les étudiants. Même l’internet était gratuit. Quand un Libyen se marie, l’état lui donne gratuitement un logement d’habitation à loyer modéré. Et le coût de la vie est supporté par le pétrole. C’est-à-dire que le carburant est à faible prix, l’électricité est presque gratuite et donc les gens sont riches de cette absence de dépense. Or, au Sénégal, constate l’économiste, « c’est un pays qui doit être construit, il nous manque de tout sur le plan économique. Parce que nous sommes actuellement un modèle d’importation. Il faut en finir avec ce modèle et il faudra pour cela investir lourdement dans le secteur primaire pour nous autonomiser avec des effets d’entraînement dans l’agrobusiness. Ce qui va créer des emplois mais ce qui nous donnera aussi une autonomie face au monde qui n’est pas très stable. Parce que le danger c’est que nous n’avons que trois mois de consommation de réserve alors que pour un oui ou un non les frontières du monde peuvent être fermées ». Donc, face à ces dangers-là, le Pr Meissa Babou estime que « nous avons besoin de beaucoup d’argent pour donc stabiliser et autonomiser notre économie mais il nous faut aussi investir socialement. Que la santé puisse être gratuite, que l’éducation de qualité soit accessible à tous les fils de ce pays sans compter les filets sociaux comme les bourses familiales, la CMU ». Une ambition que le Sénégal doit donc avoir par rapport à l’énormité des ressources que sont le pétrole, le gaz, l’or, le zircon, le phosphate, le ciment, la mer avec 780 km de côte poissonneuse et plus tard le diamant. Alors si nous sommes riches, fait savoir l’enseignant-chercheur, « nous devons en tirer profit pour un mieux-être de nos concitoyens. Et cela nous donnera peut-être une équité sociale puisque nous aurons tous le bénéfice de ces investissements sur le plan économique comme social ». La renégociation des contrats miniers, pétroliers et gaziers annoncée par le régime en place pour qu’ils bénéficient davantage aux populations locales serait une option « risquée » pour l’investissement et installerait une zone d’ombre dans le partenariat futur avec les compagnies.

Le secteur pétrolier et gazier dans l’incertitude

Néanmoins, Meissa Babou croise les doigts et espère, étant donné que « le gouvernement actuel a décidé de renégocier. Ce ne sera pas facile vu que très souvent les contrats sont verrouillés par les partenaires européens. Mais puisque ce sont des intérêts communs, nous convergerons tous vers une rentabilité, que ce soit pour les entreprises étrangères que pour le Sénégal. Je crois que ce sera possible d’arracher encore quelque chose. Maintenant si l’on passait de 750 milliards FCFA à 2500 voire 3000 milliards FCFA de rendement, j’aurais proposé un fonds souverain. Au lieu de mettre cet argent dans le budget, l’on peut donner des ratios d’investissement dans l’agriculture, l’éducation, la santé, etc. Je crois que pour atteindre l’émergence, il nous faut des secteurs forts, autonomes. Ce qui nous permettra au moins de tendre vers ce mieux-être qui signifie développement. Ce sera au moins la moitié du chemin ». S’en suivront maintenant les investissements lourds à savoir les stades, les ponts, les autoroutes à péage. Stratégiquement, voilà ce que croit l’économiste mais le problème actuel qu’il redoute « est cette rentabilité extrêmement faible attendue, sans compter les exonérations de ces grandes entreprises alors que nous sommes à la recherche de moyens pour ne plus nous engouffrer dans un endettement qui nous tue et qui nous empêche de faire des subventions dans l’électricité, dans l’eau. Tout va être retiré et donc leur prix risque d’être encore plus élevé. Tout cela par la simple faute d’un endettement qui a été mal investi. C’est-à-dire un investissement qui n’a pas de rentabilité économique avérée et dont le rendement social est extrêmement faible. Pourtant, ces milliards FCFA pouvaient être investis dans des domaines porteurs de progrès économiques et sociaux ». Certes, le président Bassirou Diomaye Faye a promis une série de réformes économiques, dont la renégociation des contrats pétroliers et gaziers avec les opérateurs étrangers. Seulement, ces promesses aux actes, la démarche risque d’être une tâche délicate pour le régime en place.