fdbda028a6dcb39285bdfa3b7a3633 e406e - Senenews - Actualité au Sénégal, Politique, Économie, Sport

Cent vingt milliards de FCFA. C’est le budget alloué pour la campagne agricole 2024-2025, soit une augmentation de 20 milliards de FCFA par rapport à la précédente campagne. Ce montant a été dévoilé suite au conseil interministériel sur la campagne à venir, tenu le vendredi 3 mai où plusieurs décisions ont été prises en présence du Premier ministre. D’abord, la distribution des semences est confiée à l’armée. L’objectif de cette politique du gouvernement d’Ousmane Sonko est de faire en sorte qu’elles puissent bénéficier directement aux vrais acteurs. Tandis que l’on se demande si cette nouvelle mesure pourrait être une solution pour la mauvaise gestion des semences agricoles. Le Sénégal, à l’instar des autres pays, investit dans la recherche et le développement agricole. Toutefois, le constat est que l’adoption des nouvelles technologies agricoles demeure faible, entraînant des rendements moyens en deçà du potentiel des variétés améliorées.

L’épineux problème de la qualité des semences agricoles

Et une série d’obstacles a surgi depuis l’entrée des entreprises privées dans le secteur. En plus du fait que la majorité des producteurs utilisent des semences provenant de leurs stocks, ce qui maintient les rendements à des niveaux faibles. L’état actuel de la filière semencière, caractérisée par une désorganisation et l’intervention d’une multitude d’acteurs aux actions non concertées, ne favorise pas un développement de la multiplication des semences certifiées qui est une activité centrale pour le développement agricole. Le secrétaire général du Syndicat National des Travailleurs et Techniciens de l’Agriculture du Sénégal (SYNTTAS), Mor Diouf, va plus loin sur les origines de la mauvaise gouvernance par rapport aux semences. Selon M. Diouf, « Il faut d’abord les chercher dans la gouvernance des semences au niveau du cadre institutionnel. Est-ce que tout ce qui a été prévu dans la législation semencière a été respecté ? Il faut également le chercher autour des acteurs, notamment les multiplicateurs semenciers. Il y a aussi la part des autorités en charge de la semence. Toutefois, le constat est que l’on a mis énormément de milliards de FCFA sur la subvention des intrants, mais les résultats escomptés n’ont pas été au rendez-vous ». Maintenant, à partir du constat, le secrétaire général du SYNTTAS préconise de « pousser le diagnostic pour voir pourquoi les semences subventionnées n’arrivent pas aux destinataires. Nous, en ce qui nous concerne, nous avons travaillé sur des documents en tant que syndicat afin de voir la problématique des semences. Et nous avons décelé qu’il y a des problèmes au niveau du ciblage. C’est-à-dire quand on cible les bénéficiaires de ces semences qui doivent être des agriculteurs, nous nous sommes rendu compte que ce ciblage pose problème. Parce qu’il y a la problématique des gros producteurs. Et c’est une brèche que l’on ouvre pour que toutes les personnes malveillantes s’en ouvrent pour capter des semences alors qu’elles ne sont pas bénéficiaires. Autant, il y a la problématique du choix des opérateurs. Et dans toutes ces problématiques, si l’on pousse le diagnostic, on verra qu’il y a des implications de la part des autorités politiques ». « La racine du mal que nous avons décelée est qu’il y a non seulement la question politique mais aussi l’intégration des chefs religieux. Parce que dans le choix de ces gros producteurs, l’on y voit des choses qui ne sont pas conformes. Ainsi, en amont de la production de la distribution des semences, il y a l’équivoque de la reconstitution du capital semencier. Parce que les besoins en semence de prépas au niveau de l’ISRA sont évalués à 120 mille tonnes par an. Or, l’on a vu, et c’est apparu dans le rapport de la Cour des Comptes, qu’il y a eu un détournement d’objectif par rapport aux investissements qui devaient être mobilisés dans les projets de la reconstruction du capital semencier. On a vu que tous ces montants étaient mobilisés autour de la subvention des semences. S’y ajoute maintenant la problématique de la certification des semences qui se fait au niveau des services concentrés. Or l’on sait que les services concentrés n’ont pas les moyens pour le contrôle en amont. Le président Bassirou Diomaye Faye doit inviter tous les acteurs afin de déceler tous les maux », ajoute-t-il.

La mauvaise gestion dans la distribution des semences agricoles

Dans la distribution des semences en amont comme en aval, il y a énormément de maux qui font que malgré la volonté de l’État à travers tout l’argent qui est mobilisé pour accompagner le monde rural, les résultats ne sont toujours pas au rendez-vous. Pourtant, les syndicalistes de l’agriculture reconnaissent qu’il y a des solutions. Puisqu’un certain nombre de mesures ont été prises au communiqué du conseil interministériel, notamment le paiement des dettes. En réalité, l’État doit beaucoup d’argent aux opérateurs. Ce qui constitue des difficultés dans le domaine agricole qui peine à mobiliser des ressources afin de financer la campagne. Le gouvernement a aussi pris des dispositifs pour doter les services techniques de moyens afin qu’ils puissent contrôler les semences en plus d’impliquer l’armée dans la distribution des semences. Malheureusement, se désole Mor Diouf, « les syndicats agriculteurs n’ont pas été impliqués dans ce processus de prise de décision. Et nous regrettons également que le ministre de l’agriculture veuille faire croire aux Sénégalais que la présence de l’État dans ces commissions de distribution pourrait régler le problème définitivement. Il se trompe parce qu’il faut impliquer les acteurs que nous sommes autour de la distribution de ces semences ». L’État a pris 23 mesures autour de la campagne agricole. Si l’État se donne les moyens de les mettre en œuvre dans la plus grande transparence, dans la rigueur, le syndicaliste est persuadé que « l’on peut aboutir à améliorer la subvention des intrants ». Cependant, ce que ces experts agricoles recommandent à l’État, c’est d’impliquer les véritables acteurs. Parce que déclare Mor Diouf, « autour du ministère de l’agriculture, il y a des pseudo-acteurs qui très souvent font croire aux nouvelles autorités qu’ils sont les vrais acteurs. À tous les niveaux, il y a des difficultés et je ne pense pas que les gens qui sont à l’origine de ces problèmes puissent apporter la solution. Il ne faut pas résumer la problématique des semences au seul fait qu’il y aurait des agents véreux au ministère de l’agriculture. Ce sont des raccourcis que les gens prennent. S’il y a un détournement d’objectif, ce n’est sûrement pas un agent en bas de l’échelle qui peut le faire. C’est plutôt un acte qui émane de la plus haute autorité. Il va falloir que la question de l’identification des gros producteurs soit réglée ».