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Une souveraineté monétaire faisait partie des points essentiels de la politique économique proposée par l’actuel régime quand ses leaders étaient dans l’opposition. Mieux, l’actuel Président Bassirou Diomaye Faye même dans la campagne électorale avait réitéré une volonté de sortir du franc CFA, considéré comme une monnaie coloniale symboliquement dégradante et économiquement suicidaire. Au pouvoir depuis un peu plus de 30 jours, cette question cruciale fait toujours partie du lot d’importants engagements que les Patriotes avaient pris devant le peuple sénégalais et qui ne sont pas évoqués. Bassirou Diomaye Faye et son administration sont en train de travailler sur la nouvelle monnaie locale ou bien tout simplement, ils rattrapent les réalités d’une configuration politico-économique qui échappait à leur lecture quand ils prêchaient une souveraineté monétaire dans l’opposition ?

Une promesse électorale très risquée

À l’instar du Sénégal, sept autres pays d’Afrique de l’Ouest utilisent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale cette monnaie des Colonies françaises d’Afrique, CFA, puis des Communautés françaises d’Afrique avec la période d’indépendance au début des années 60. C’est donc une vieille monnaie, symbole de la tutelle française, une idée largement portée par des activistes africains qui s’activent depuis des années maintenant à ce que cette monnaie soit changée. Dans la logique de cette volonté de la jeunesse, le Parti Pastef a bâti sa politique économique. Moubarack Lo, économiste, souligne que la question monétaire est d’une importance capitale dans un pays qu’il ne faut jamais s’aventurer à jouer avec : « Je pense que maintenant les gens jouent avec cette question de la monnaie. Ce qui est très dangereux. Le nouveau régime doit prendre tout son temps avant de prendre une décision dans ce sens », préconise l’économiste. L’ancien conseiller économique du Président Macky Sall prône la prudence. « Changer de monnaie n’est pas si simple, car après tout, si le CFA a de nombreux atouts, il garantit à ces pays une stabilité monétaire très précieuse dans la région. Lorsqu’un pays décide de changer de système, il doit le faire avec beaucoup de prudence. Cela ne doit pas provoquer de fuite des capitaux et ne pas déstabiliser l’économie avec le risque d’une dévaluation trop violente. Enfin, il ne faut pas se retrouver sous la tutelle d’une autre puissance », fait-il savoir M. Lo. Le dilemme du nouveau régime se trouve dans le respect de ses engagements pris avec le peuple sénégalais et la situation statique de la nouvelle monnaie dénommée ECO que les pays membres de la CEDEAO souhaitent adopter en remplacement du FCFA.

Les réalités de la sous-région et du contexte international

« Vous savez, on peut être activiste dans l’opposition, mais on ne gouverne pas avec les attitudes d’un activiste. Je veux dire par là que. Qu’aucun Sénégalais ne s’attend à ce que le Président Diomaye Faye se lève un bon matin annoncer la fin du FCFA. Même si notre devrait avoir sa monnaie, il faudra y réfléchir une période assez longue. Nous sommes dans un monde très mouvementé avec des crises qui sévissent partout. Ces crises interviennent de manière directe sur le prix du baril de pétrole et donc la valeur monétaire. La monnaie que nous utilisons actuellement échappe à toutes ces fluctuations, car elle est garantie par l’euro. Donc, dans un pareil contexte, ce serait très suicidaire de précipiter la sortie du Sénégal de la zone CFA », ajoute Moubarack Lo. Pour satisfaire les Sénégalais désireux de sortir du CFA, l’Eco qui sera la monnaie d’échange de 15 pays de la sous-région serait la meilleure des solutions. Cette monnaie avait été annoncée pour son entrée en vigueur en 2020, les aléas liés à la Covid 19 avaient repoussé cette échéance et puis en 2022 le Sénégal et la Côte d’Ivoire avaient refusé le diktat du géant Nigéria. Tout ceci renseigne la complexité de cette question au niveau sous-régional. Pour un régime qui n’a pas encore fait 50 jours au pouvoir vouloir s’attaquer à des questions aussi complexes et qui engagent toute une communauté ne serait une bonne politique. Selon des spécialistes de la question monétaire, cette promesse électorale, qui occupe aussi une place importante dans le programme de Pastef, doit être gérée de manière assez intelligente pour que cela ne se transforme pas en une nouvelle pression sur les épaules du président de la République. Et effectivement, la question sera utilisée à outrance par les opposants et c’est de bonne guerre aussi. « Dans l’urgence, je pense que la meilleure solution serait de rencontrer les dirigeants de la CEDEAO et de fixer les Sénégalais sur l’agenda de la communauté sous-régionale. Mais il n’est pas question de mener des réformes allant dans le sens de quitter le FCA dans l’immédiat. Je suis désolé de le dire, les politiques ne pourront jamais tenir tous les projets », ajoute Moubarack Lo.